Chapitre 1

133 6 2
                                    

Je fus réveillée par les premières lueurs du jour. J'ouvris les yeux et regardai autour de moi : des murs gris dénués de décoration, un petit bureau sur lequel s'empilent plusieurs livres, une vieille armoire contenant mes maigres affaires personnelles... Tel est le décor que je vois à chaque réveil depuis 10 ans. Mais aujourd'hui est un jour spécial : je fête mes 11 ans !

Je sortis de mon lit en passant ma main dans mes cheveux et ouvris mes volets. Je ne regardai même pas la triste cour où quelques enfants jouaient avec une vieille balle : je connaissais cet établissement par cœur. Je vivais à l'orphelinat Saint Georges, situé dans la campagne anglaise, depuis de nombreuses années. Je n'ai jamais été adoptée : les femmes travaillant ici ont toujours expliqué au peu de familles visitant l'établissement que je n'étais « pas normale », trop étrange. J'en ai même entendu une dire : « elle n'est pas comme nous ». Pourtant, selon moi, je suis on-ne peut plus normale : j'ai des yeux bleus, un corps petit et frêle à cause du manque de nourriture, et de longs cheveux châtains-blonds  qui descendent dans mon dos (voir média). 

Je m'appelle Amalia Royffrygond.

Tous les enfants disent que mon prénom et mon nom sont bizarres mais c'est ainsi que mes parents ont choisi de m'appeler, et ça, c'est le plus important pour moi. Je conserve au fond de moi le sentiment que même si j'ai atterris ici, j'ai été aimée par mes parents, au moins assez pour qu'ils me donnent un nom et un prénom.

J'enfilai l'uniforme de l'orphelinat. Nous sommes obligées de le porter et ce, même pendant les vacances. Pour les filles, il se compose d'une robe bleue : la mienne est un peu trop petite et rapiécée mais je ne me plains pas. Je n'ai pas le choix.

Je savais déjà comment cette journée allait se passer : personne ne me souhaiterait mon anniversaire, personne ne ferait attention à moi. Ce serait une journée comme les autres.

Je descendis rejoindre mes « camarades » pour le petit déjeuner dans la salle du rez-de-chaussée. C'était une assez grande pièce dans laquelle étaient disposées de petites tables pouvant accueillir 6 personnes. Les tables étaient vieilles et marquées par tous les enfants qui s'y étaient assis depuis l'ouverture de l'orphelinat, il y a plus de 50 ans. La cheminée, elle aussi d'époque, commençait à tomber en ruines mais elle nous était indispensable afin de chauffer la salle durant tout l'hiver.

Miss Peterson, la vieille cuisinière, me servit l'habituel petit déjeuner : une tasse de thé verdâtre, du pain qui ne datait pas d'aujourd'hui, et une orange à moitié pourrie. Je levai les yeux de mon plateau et croisai le regard de la femme en face de moi : la cuisinière me lança un regard de dégout et me tourna le dos. Je soupirai : pas de chance d'avoir une autre orange donc. J'ai l'habitude de ne pas beaucoup manger : les meilleurs repas sont préservés pour les gens « normaux », comme me l'a dit la directrice de nombreuses fois. Je n'ai jamais osé rien dire, de peur des représailles. Je me dirigeai vers l'une des tables à l'écart, et sentis les regards des autres pensionnaires. Je baissai la tête afin que mes boucles puissent cacher mon visage. Betty, une insupportable fille de 14 ans, me pointa du doigt et se mis à rire avec ses nombreuses amies. Je m'assis et bu une gorgée de mon thé en les ignorant. Voyant que je ne la regardais pas, Betty s'avança jusqu'à moi et me dit :

- Et bah alors, encore toute seule Gondy ? Normal, puisque personne ne veut de toi !

Sur ces mots, elle me renversa le contenu de ma tasse sur mes cheveux et partit en rigolant. Je serrai mon poing et mes dents. Betty ne me laissera-t-elle donc jamais en paix ? Elle traversait la salle en riant avec ses amies quand, tout à coup, comme par magie, un verre d'eau posé sur une table non loin de là se renversa, répandant son contenu sur le sol. Betty ne vit pas la flaque et glissa de tout son long sur le sol en pierre. Elle poussa un cri aigu en se tenant la cheville et les surveillantes accoururent. Je clignais des paupières et desserrai le poing : j'eus le temps d'apercevoir Betty sortir de la salle en s'appuyant sur les surveillantes. Plus tard dans la journée, j'appris qu'elle s'était cassé la cheville, et qu'elle était obligée de porter un plâtre et de se déplacer en béquilles. Elle l'avait bien mérité !

Nous étions au plein milieu de l'été : tous les enfants se ruèrent dehors pour profiter du soleil ou de l'ombre des arbres du parc. J'esquissai un sourire : la bibliothèque, mon refuge, allait être pour moi seule ! Je pourrais ainsi éviter les autres et me réfugier derrière les ouvrages. Je finis rapidement mon repas, allai laver mes cheveux et montai les marches quatre à quatre. J'ouvris la porte de la pièce et jetai un œil à l'intérieur. Comme je m'y attendais, il n'y avait personne. Après avoir été cherché ma lecture en cours dans ma chambre, je m'avançai vers mon coin préféré, un petit fauteuil placé à coté d'une haute fenêtre. Je m'y assis confortablement et soupirai d'aise : c'était bien le seul endroit où je me sentais bien !

La journée se passa tranquillement et sur les coups de 19 heures, je descendis pour prendre le repas du soir. Nous étions tous attablés face à une soupe plus que douteuse lorsque nous entendîmes des coups résonner contre la porte d'entrée. Tous les pensionnaires se jetèrent des regards interrogateurs. Mais qui pouvait donc bien venir à cette heure ? Les adoptions se déroulaient dans l'après-midi, tout le monde le savait : les petits se mirent à s'agiter, soudainement excités. La directrice, Miss Mills, une grande et mince femme au visage cruel, se leva de sa chaise et ordonna à toute la salle :

- SILENCE !

Ses paroles eurent l'effet escompté : tout le monde se tut et baissa la tête vers le repas. Miss Mills jeta un regard satisfait sur ses pensionnaires et se dirigea vers la porte d'un pas tranquille. Lorsqu'elle ouvrit, nous tendîmes l'oreille. La directrice s'adressa au visiteur :

- Oui ? Que puis-je faire pour vous ?

- Bonjour très chère, puis-je entrer ?

- Et vous êtes ? demanda Mills d'une voix soudainement méfiante.

- Je me nomme Minerva McGonagall, et je suis là pour la petite Amalia Royffrygond.

Tout les regards se tournèrent vers moi et je me demandai si, finalement, la journée de mes 11 ans serait comme les autres. 

Amalia et le monde des sorciersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant