1 - La lettre de Maëlys

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Le 13 Décembre 2017, Clermont-Ferrand

Cher Père Noël,

Jé était bien saje cette ané.

Bon, peutètre pa tous le ten, mai jé fait plein de chause bien can mème !

Jé édait maman a fair la cuizine, jé mi le couvaire est jé débaracer la table pandent tou le débus du moi de décembre. Jé mème pas di de truques méchent a Maïna.

Antouqua, moi j'aimeurer bien avoir les dévédés de Cars (mets amis dise que cet tro bien) et le kampigkar plémobil.

Est si jamès tu a de la plasse dan ta ote, rajoutte un ammoureu pour Maïna. Elle ma di quel an voulé un vrais come son dernié et parti, mème si elle a pa écrit de lètre. Je sui sure quel a était asser saje pour avoire sa.

Et oublie pa, on et cher mamie pour Noël, pa a Clermont-Ferrand. Mai cé juste a queauté de Vannes. Je te prévien parceque ma seur avé dis que persone conné se "trou pommé", donc je pense pa que le gépéesse marcherai come ya pa de ouifi. Donque la maison de mamie a des volèts marons est elle a une petite ferme à queauté de cher elle. Breffe.

Merci Père Noël

Maëlys

Nicolas cligne plusieurs fois des paupières en grimaçant. Cette lettre vient de lui brûler les yeux.

Il faudrait songer à inclure un beschrel surprise dans les cadeaux, surtout dans ceux des enfants !

Après avoir dissout son envie de brûler la lettre, le Korrigan la glisse dans la borne du changeur et réfléchit quelques instants. La Maïna citée dans la lettre et la ferme près de Vannes, ça lui ravive des vieux souvenirs. Mais la fille en question doit avoir bien vieilli après tant d'années. Les humains ont une vie si courte...

En tout cas, c'est déjà la troisième année ou il tombe sur cette Maëlys. C'est facilement reconnaissable, elle n'écrit pas comme un professeur de Lettres et disons que ses rédactions sont assez brèves. Ah, et elle avait déjà cité sa sœur, Maïna, l'année d'avant.

Il secoue la tête pour chasser ses pensées et râle vers son ami en attendant l'argent.

 « Ils savent pas écrire ces gosses, on va finir par devenir aveugles à faire ça tous les ans ! Et ça s'empire !

- Bah, c'est surtout ceux qui ont moins de treize ans.

Nicolas pousse un soupire à en fendre l'âme. Et pose son regard sur le reste de la salle de Changes. Des cliquetis résonnent des centaines de bornes alignées avec en faces d'elles des centaines de lutins au regard morne.

- Personnellement, je trouve que le pire, c'est qu'ils ne s'adressent jamais à ceux qui leur prépare leurs cadeaux, mais aux livreurs ! Lance le blond. On devrait leur apprendre que ce sont les lutins qui font le plus gros boulot, pas les Pères Noël...

Quand un bip sonore retentit dans le changeur pour avoir l'adresse et le nom de la personne à qui appartient la gentillesse, Nicolas se tourne vers la machine pour saisir les informations demandées.

- Si seulement le changeur pouvait être plus rapide pour changer l'argent en gentillesse, soupire-t-il.

- T'as vraiment pris tes rêves pour la réalité toi ! Y a plus qu'à réclamer que des femmes viennent jusqu'ici tient... Ricane Jamet.

- Ou ça des femmes ? Demande le lutin de Picardie à leur droite avec des yeux dégoulinants d'espoir.

Avant qu'on ne brise ses rêves, le chef de la section hurle que c'est l'heure de la pose et la salle de changes se vide en un rien de temps.

- Sérieux les gars, des femmes vont venir ici ? Demande un autre lutin.

- Non, c'est juste Jamet qui prend ses rêves pour la réalité. On ne verra jamais de femme tant qu'on travaillera ici, réponds Nicolas avec pessimisme.

Cela n'étonne personne. Les lutins sont réputés pour leur regards lubriques et leur amour des femmes. Allez savoir pourquoi ce sont eux qui s'occupent des cadeaux des enfants pour Noël...

En parlant de Noël, la lettre de Maëlys est la dernière de l'année pour Nicolas. Cette année, il ne fait pas parti des lutins malchanceux comme Jamet qui doivent s'occuper des lettres de dernière minute. Rien que de penser à ça et au fait qu'il pourra directement aller faire les cadeaux des enfants demain, ça lui redonne le sourire.

Après avoir bu un verre de lait, ils retournent dans la salle des changes pour finir leur journée. Enfin, pour le Korrigan, il n'aura plus besoin d'y retourner avant l'année prochaine. Il a donc rangé ses affaires et trié ses lettres accompagnées de leur argent dans son sac à bandoulière pour qu'il puisse partir rapidement collecter tous ses cadeaux demain.

Bonnet RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant