2 - À pas de géant

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Aux aurores (enfin, façon de parler vu qu'il fait toujours nuit au Pôle Nord à cette période de l'année), Nicolas se lève rapidement pour se préparer. Il enfile son polo rouge à manches longues, sa salopette kaki, ses bottines et son bonnet rouges pour arriver en trombe dans le réfectoire presque vide. Il prend rapidement une tranche de pain, un verre de lait, et arrivé devant le beurre et la confiture, il commence à soupirer.

« Sam, dit-il a l'adresse du cuisinier, il est ou le beurre salé ?

Le Sam en question fronce les sourcils. C'est la même histoire tous les mois entre lui et les Korrigans.

- Y en a plus. Ils peuvent pas nous en livrer avant janvier. T'es au courant j'imagine, c'est bientôt Noël, ils sont chargés, dit-il sarcastiquement.

- Comment ça se fait qu'il y ai du beurre doux alors ?

- Parce que la majorité des gens ici en mangent ! Vous pouvez manger du beurre doux quand même, ça va pas vous tuer ! On vous en achète déjà, alors s'ils se finissent tout le temps avant la fin du mois, contentez-vous de c'qu'il reste !

- Tu peux garder ton beurre doux pour tes "pâtisseries", siffle Nicolas en lui lançant un regard noir avant d'aller s'asseoir.

- Ils sont pénibles ces bretons » marmonne Sam en secouant la tête.

Le Korrigan engloutit rapidement son petit-déjeuner et quitte le réfectoire avec mauvaise humeur.

De retour dans sa chambre, il s'ajoute plusieurs couches de vêtements sous sa salopette avant de mettre ses grosses bottes. Après avoir pris son sac à bandoulière, il se met devant sa glace pour grandir un peu, histoire de faire la taille moyenne d'un humain.

Habituellement, il fait un mètre cinquante, ce qui est plutôt grand pour un lutin, mais qui correspond à la taille d'un petit collégien chez les humains. Heureusement que les lutins ont cette capacité de changer de taille pour pouvoir se fondre dans la foule.

Il s'arrête de grandir à un mètre soixante-dix et ferme a clé sa chambre en partant. La Fabrique grouille déjà de vie malgré l'heure matinale. Le Korrigan traverse tout le bâtiment, et en face des portes de sortie, il présente son bonnet au gardien. Ce dernier, après avoir vérifié son couvre-chef, lui ouvre la première des trois portes pour l'extérieur en refermant juste derrière lui.

Et là, Nicolas se rend compte qu'il a oublié ses lunettes.

« Raaaah ! »

Bien entendu, il ne pourra pas rentrer à moins d'avoir ramené tous ses cadeaux.

De toute évidence, sa journée s'annonce mauvaise...

Il met ses mains dans ses poches et commence à laisser ses empreintes sur le sol immaculé. Aujourd'hui, il fait beau et il n'y a pas de vent. Tant mieux. Mais par contre, il fait anormalement chaud, deux degrés quand même. Pas qu'il va s'en plaindre, il déteste le froid, mais il devrais quand même faire moins vingt degrés.

Il commence à courir en faisant de plus grandes foulée à chaque fois que ses bottes touchent le sol. Ça aussi, c'est plutôt pratique, de pouvoir couvrir de grandes distances rien qu'en faisant des bonds. Enfin, ce sont quand même des bonds de géant.

Nicolas n'a appris à faire ça qu'après être arrivé à la Fabrique. En Bretagne, il n'en avait pas vraiment besoin, il passait son temps à s'occuper de cette ferme et de ces enfants...

Ayant maintenant une vitesse conséquente, l'air lui fouette son visage et ses yeux rouges sans pitié. Ah, qu'est-ce qu'il regrette ses lunettes...

Le lutin décide de se diriger vers le Québec. Ce sera bien plus rapide pour trouver les cadeaux réclamés dans les lettres des français.

Hier soir, il avait réécrit une liste pour éviter d'avoir à rouvrir les lettres.

Quand il arrive à proximité des premières autoroutes, il prend garde à rester dans la forêt et ses foulées se font plus petites pour ne pas qu'il dépasse les arbres.

Aux alentours de midi, il marche en ville, son bonnet rouge au fond de son sac pour ne pas trop attirer l'attention. Enfin déjà, les gens autour de lui hésitaient vaguement entre un bûcheron et un artiste avec sa tenue...

Mais Nicolas s'en fiche pour l'instant. Il vient d'arriver devant un magasin de jouets et ses lèvres s'étirent toutes seules pour lui faire son premier sourire de la journée. Elle ne sera peut-être pas si mauvaise que ça finalement.

Quand il entre dans la boutique, les souhaits des lettres mal orthographiées des enfants lui reviennent en tête sans qu'il n'ai besoin de consulter sa liste.

Il passa sa journée à acheter des jouets sans même se poser pour manger à midi. Regarder les vitrines décorées pour l'occasion, voir les enfants émerveillés devant les boîtes de jeux, ça donne la motivation pour leur faire de beaux cadeaux.

Dans la soirée, il ne lui reste plus que la fameux "Kampigkar" playmobil de Maëlys. Le seul problème, c'est qu'il est trop haut, lui rappelant que même en grandissant de vingt centimètres, il est bien trop petit.

« Je peux vous aider, monsieur ? Lui demande une voix féminine à sa gauche.

Il se retourne pour se retrouver un face d'une jolie poitrine cachée derrière l'uniforme du magasin.

Il la fixe quelques instants avant de se rappeler que c'est quand même plus poli de regarder la personne dans les yeux.

Mauvaise idée. Sa poitrine est décidément plus chaleureuse que son regard. La femme semble attendre quelque chose. Ah, oui, qu'il lui réponde. Enfin, avec toute cette distraction...

- Vous pourriez m'attraper ce camping-car s'il-vous-plaît ? »

Dehors, il se retrouve avec quatre sacs pleins, pesant au moins une quinzaine de kilos chacun et des boîtes sous les bras. De toute évidence, un humain aurait beaucoup de mal à porter tout ça seul.

Plus il s'éloigne de la ville, plus ses foulées sont grandes. Mais il a décidément moins d'énergie qu'au début de la journée...

Arrivé à la Fabrique, il fait toujours aussi noir, mais le matin pointe son nez.

A la troisième porte d'entrée, il présente son bonnet au gardien comme la journée précédente et marche rapidement jusqu'à sa chambre ou il dépose tous les sacs et les boîtes sur son bureau. Il se dévêtit rapidement, retire son bonnet et s'allonge dans son lit en remontant sa couette. Il a faim, mais tant pis. De toute façon, il n'y a plus de beurre salé au réfectoire.

Bonnet RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant