3 - Une charge en moins... Ou en plus

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La Salle de Bricolage est infernale. On est déjà le vingt-deux décembre et la plupart des lutins achèvent leurs cadeaux ou, comme Jamet, entament les listes de dernière minute.

« Mais tu te rends compte Nico ! Celle-ci envoie déjà sa lettre en retard et en plus elle demande une poupée dans le style des années 80 en marionnette... Elle pouvait pas se contenter d'une Barbie ? Débite son ami en grattant des cheveux blonds sous son bonnet avec une tension palpable dans sa voix.

- Fallait être plus rapide pour les inscriptions. Si tu y avais mis un peu du tien, tu ne serais pas là à faire les cadeaux de dernière minute.

- Mais la veille on était allés boire jusqu'à pas d'heure ! Y avait que toi de sobre, comment tu voulais que je gagne une course avec une gueule de bois ? » Se plaint-il.

Nicolas hausse les épaules en terminant de coudre une peluche dinosaure d'une cinquantaine de centimètres de haut. Son travail fini, il tire la tablette accrochée à sa grande table pour mettre en replay la vidéo qui l'aidait à coudre la peluche, histoire de voir s'il n'avait rien oublié. Quand la vidéo se termine, il se retourne en montrant son œuvre à Jamet pour avoir son approbation.

Celui-ci plisse les yeux avant de mettre son pouce en l'air.

Satisfait, Nicolas repousse la tablette à l'autre bout de sa table et fait de la place sur son plan de travail pour commencer les emballages.

Alors que ses mains s'aiment d'elles-même pour mettre le papier cadeau sur chacune de ses boîtes de jouets, fabriqués ou achetés, son esprit divague vers ce qu'il faisait avant le Pôle Nord.

Une ferme. Six enfants. Et pas un parent pour s'en occuper.

Cela fait, quoi, soixant-cinq ans ? Maïna et ses frères ont fini une bonne partie de leur vie.

Il aimerait bien voir comment ces enfants ont tournés quand même. Pas comme leurs parents, il espère. Entre leur père devenu à moitié fou et leur mère qui sortait tous les soirs... Il se demande si un autre Korrigan s'en est occupé quand il est parti... Il espère. Mais les Korrigans préfèrent pour la plupart saccager la vie des humains que le contraire.

« Nico ? Ça va ?

Le Korrigan sursaute et se retourne vers Jamet.

- Oui, oui...

- Dis, est-ce que tu pourrais m'aider ? Comme t'as fini...

Nicolas baisse les yeux vers ses paquets tous emballés correctement. Effectivement, il a fini ses emballages. Il ne s'en est même pas rendu compte.

- T'aider à quoi ?

- Ben, cette poupée commence à me casser les pieds et je ne vais jamais réussir à faire les autres cadeaux si je me mets à la faire sérieusement. S'il-te-plaît... » Dit-il, presque suppliant.

Nicolas soupire et récupère la base de sa poupée pour continuer le travail.

A la fin de la journée, une grande majorité des lutins quittent la Fabrique, ravis d'avoir terminé leur travail. Évidement, les autres comptent rester faire des heures supplémentaires pour terminer leurs cadeaux à temps.

Le lendemain, il faut charger les hottes et préparer les rennes. Ils doivent êtres prêts avant midi.

Nicolas fait plusieurs allez-retours dans la section France pour déposer ses paquets dans le hotte à destination de la Bretagne.

Dans l'après midi, les vieux livreurs ou, communément appelés par les humains les Pères Noël, font l'inventaire des cadeaux présents dans leur hotte.

Nicolas en a profité pour ranger ses affaires. Il avait fini le plus gros de son travail et ne retournera pas dans la Fabrique, ni dans la salle des Changes avant l'année prochaine.

Quand il a tout terminé et, après avoir dîné au réfectoire, il part faire un tour du côté des traîneaux pour tenter de retrouver Jamet. Il ne l'a pas croisé de la journée.

Les hottes sont pleines à craquer, déjà chargées dans leur moyen de transport et les vieux livreurs ont enfilé leur manteau rouge et leur bonnet d'extérieur. Les rennes, quatre par traîneaux, se font bichonner par des Servans, des lutins toujours désignés pour s'en occuper comme se sont les plus qualifiés. Tout à l'air prêt. Mais il ne sait toujours pas si Jamet à déposé ses cadeaux.

Il décide de repasser par la Fabrique pour vérifier que son ami n'y est plus, dans le doute. Enfin, il est quand même minuit moins un quart.

Quand il entre dans la salle silencieuse et presque vide. Jamet semble vouloir faire une pyramide de ses paquets pour pouvoir tous les porter mais il semble qu'il y ai un déséquilibre quelque part et le tout s'écroule. Le lutin blond lance quelques jurons avant de remarquer la présence de Nicolas.

« Nico... Désolé de te déranger encore, mais... Tu pourrais m'aider s'il-te-plaît ? J'ai trop de paquets et il est bientôt minuit, j'arriverai pas à les porter tous en même temps.

En effet, il est déjà moins dix.

- Donne. »

Jamet lui place la moitié de sa pile dans ses bras et prend l'autre moitié sans plus tarder. Ils trottinent rapidement vers les écuries ou les traîneaux sont prêts à partir, mais se font rapidement arrêtés par un renne énervé. Le temps que des Servans le maîtrisent qu'ils arrivent, les signaux de départ ont déjà êtes lancés.

« Regarde, celui pour les Pays de la Loire n'est pas encore parti ! »

Leurs foulées se transforment en bonds pour atteindre le plus rapidement possible le traîneau. Chaque bond des emmènent un peu plus vers le ciel et rend le lutin blond un peu plus pâle.

Quand ils voient les rennes frapper le sol de leurs sabots, ils comprennent que s'ils veulent mettre tous les cadeaux dans la hotte, il va falloir qu'ils sautent dans le traîneau derrière le Père Noël.

Ils font donc un seul et dernier bond et atterrissent derrière le vieillard juste avant que les rennes prennent de l'élan pour... s'envoler. Et le froid s'insinue déjà dans leurs vêtements pourtant adaptés à l'extérieur.

Pendant que Nicolas s'affaire à s'excuser auprès du lutin âgé et à mettre les cadeaux dans la hotte, Jamet semble avoir le cœur au bord des lèvres.

Le Korrigan laisse ses yeux engloutir le paysage - ou le paysage engloutir ses yeux. Il a l'impression d'être dans une mer d'encre noire constellée de paillettes.

Rassasié de la vue, il baisse ses yeux vers Jamet et lui tend la main. Celui-ci la saisit et se redresse maladroitement.

« Il faut qu'on saute, sauf si tu veux faire la route avec ces paquets pendant plusieurs jours. »

Le blond hoche la tête et Nicolas saute en premier en évitant le traîneau du dessous pour atterrir correctement dans la neige.

Jamet quand à lui, saute avec la nausée au ventre et n'arrive pas très bien à éviter le traîneau du dessous. Il heurte la hotte et l'emporte avec lui dans sa chute.

Bonnet RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant