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Le soir même, en rentrant chez moi, je perds le sourire qu'Aiden et les autres m'avaient donnés, quand je me souviens que je dois téléphoner à la mère de Carole, qui doit actuellement être morte d'inquiétude et de peine. J'allais aussi bientôt recevoir une lettre de ma meilleure amie morte, qui dit je ne sais quoi.

En réalité, j'avais vraiment peur des raisons qui l'ont poussée à passer le pas de la mort. Mais le pire, c'est que j'avais peur que ce soit de ma faute. J'étais paniquée à l'idée que sur cette fichue lettre soit marquée "Ana, tu es une mauvaise amie" ou bien "tu n'étais pas là quand j'en avais besoin". Parce que oui, j'étais presque ennuyée d'elle, mais d'un autre côté, c'était grâce à elle que tout allait mieux. Sans elle, je serais peut-être morte, moi aussi.

Mais pour l'instant, aucun moyen de le savoir ; elle était morte, c'était tout ce qu'on savait, et il va falloir faire comme ça jusqu'à ce qu'on ait au moins des preuves plausibles et authentiques.

J'appelle le numéro de Carole, ce qui faisait bizarre. J'avais vraiment l'impression que de l'autre côté du fil j'entendrais une voix enchanteresse et joyeuse, qui me raconterait le fil de sa journée. Mais à la place, j'eus le droit à la triste et morne voix de sa mère, qui ne semblait pas vraiment normale. J'entendais bien que quelque chose était à côté de la plaque.

- Bonjour Ana, que ça fait du bien t'entendre ta voix.

- Bonjour Madame Grielberns, ça fait du bien aussi, surtout après cela.

- Oui; c'est vrai. Même si on essaye de faire comme si on allait surpasser cela, on revient à la dure réalité, et c'est dur de se dire qu'elle ne reviendra jamais.

Je sentais qu'à tout moment, le fil qu'était ses émotions se couperait en deux, et qu'elle explose en sanglots. Mais je n'osais parler. Je chuchotais presque.

- Je suis sincèrement désolée. Des funérailles auront lieux ?

- On essaye de prévoir ça, oui. Je t'inviterai, bien entendu.

- Merci énormément. Vous savez, Carole était quelqu'un de très bien, vous avez été les meilleurs parents, elle vous aimait beaucoup.

- Ah...m-merci, ça nous fait chaud au cœur d'entendre cela.

La discussion était froide, mais soudain, il semble presque qu'elle se confessait.

- Tu sais, je ne savais pas si elle deviendrait meilleure que moi. Je l'ai élevée avec mon mari, de façon à ce qu'elle soit gentille et polie. Mais elle avait son petit caractère ! C'était la meilleure fille que jamais je n'ai créée. Personne ne pourra la remplacer.

- Je vous comprends. Je pense que je me sentirais pareille.

- Merci d'être là, Ana. J'ai l'impression que je suis vraiment comprise.

- De rien, c'est la moindre des choses. Pourtant...Carole ne semblait pas...aussi triste, enfin, je veux dire...elle ne semblait avoir aucune pensée négative dans sa tête. Elle se comportait normalement, je...je ne comprends pas ce qu'il l'a poussée...

- Ne t'en fais pas, on est dans le même bateau. Tu es sûre qu'hier elle ne semblait pas triste ?

Ma gorge se noue. Elle ne m'avait pas appelée hier, et je n'osais pas lui dire, mais si elle appelait les flics pour qu'ils viennent faire une enquête, je préférais dire la vérité.

- Euh...hier on ne s'est pas appelées. J'aurais dû, je suis désolée...tout doit être de ma faute..

- Non, Ana ! Ce n'est pas de ta faute. C'est la faute de personne. Il faut juste comprendre. Tu étais la seule qui comptait vraiment à ses yeux, elle ne ferait jamais cela.

Une vie pas très normaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant