Le soleil et l'aveugle

III

Il était bien trop tard malheureusement pour se protéger, et l'astre terrible déferla sa rage pendant les onze autres mois et douze jours qui suivirent. En effet, il suffisait de regarder, ne serait-ce que furtivement, le haut de la montagne, et n'importe qui en perdaient la vie dans l'immédiat. Horrifiés, énormément de personnes quittèrent ces pays maudis ou se dissimulèrent en caverne, tandis que d'autres, tentés, ou insouciants, défiaient la grande montagne pâle. Instantanément, leurs yeux devenaient pâles comme le haut mont, et tombaient par terre, raide mort.

L'hiver fut des plus rudes cette année là, et nombre d'éclairs foudroyèrent hommes, arbres et forêt, et des feux partirent d'un peu partout. Puis vint l'été, et en même temps la plus violente sécheresse s'abattit sur la contrée. Sources et puits se tarirent, tandis que les terrains se craquelaient. Toutes les montagnes perdirent leur blanc manteau, hormis la grandiose, celle sur laquelle s'était assis le soleil des mois de cela. Désormais la région était inhabitable, et plus un seul oiseau ne chantait, ni aucun animal ne faisait bruit à partir de l'été, car tous avaient fui. Seul restait quelques rois et serviteurs fidèles au pays, ainsi que les plus forts, les plus résistants qui, jours après jours, enterraient les plus faibles. Ça n'avait été au début que des vieillards, puis vint le tour des jeunes enfants tout justes nés, en finalement un peu tout le monde au hasard. Au milieu de l'été, la température alla si fort qu'oublier de se désaltérer pendant une heure ou deux causait la mort. Durant cette fin lente, on assista à des cas de visions de folie : on disait voir des cadavres voler l'eau en réserve et boire le sang d'animaux morts, un nain armé d'un arrosoir vide courir inutilement partout, des farandoles de jambes et de bustes rachitiques danser en rondes incessantes, ainsi de suite.