Allyden : Un Monde Déchiré

Chapitre 3 : Première nuit à bord

Le capitaine ferma la porte juste après qu'Hélène soit entrée à l'intérieur de sa cabine. Le regard de la demoiselle scruta tout autour d'elle, le sol était paré de tapis richement décoré, un lit en bois massif était entreposé dans un coin de la pièce et il était paré de draps tout aussi précieux. Un magnifique bureau se trouvait en face de la porte, dessus étaient entreposés de multiples objets servant à la compréhension de la carte qui traînait sous eux.

Le capitaine désigna un hamac qui pendait de l'autre côté de la pièce, sous le regard intrigué de la sorcière.

— Tu dors là-bas ma jolie, le lit est pour moi.

Hélène, qui s'était attendue à devoir se battre pour garder sa dignité, observa avec curiosité le pirate qui se dirigeait vers le lit, puis ôtait son gilet en cuir. Il ne lui adressa aucun regard, ni aucune remarque tendancieuse ou de geste déplacé. Elle ne chercha pas à comprendre davantage et partit s'allonger dans le tressage qui était équipé d'un petit matelas rembourré avec de la paille.

Une fois allongée, elle se tourna sur le côté gauche, préférant avoir les yeux en direction du pirate. Elle l'observa silencieusement, essayant de comprendre cet inconnu au sourire charmeur. Il venait de se servir un verre, la couleur ambrée témoignant de l'alcool contenu dans le breuvage, puis le déposa sur son bureau avant de s'asseoir derrière ce dernier. Il fouilla dans le bric-à-brac présent devant lui et en sortit un carnet aux pages jaunies, il prit une plume et un encrier. Hélène se demanda soudainement pourquoi le navire de ce pirate portait un aussi joli nom,l'Encrier, ce n'était pas commun.

Il écrivit dans son journal de bord pendant quelques minutes, retraçant la journée remplie, puis il finit par sortir son carnet de compte et commença à écrire les denrées qu'ils avaient acquises et celles utilisées. La sorcière le détailla, il avait un visage paisible, éclairé par la simple lueur des quelques bougies présentes, et elle se dit que, peut être, sa première impression à son égard était faussée par son idée préfabriquée des pirates. Dangereux, amers et sanguinaires.

Ce fut à cet instant que les images des corps sans vie sur le navire marchand lui revinrent en mémoire. Elle savait que, par-delà les mers, il ne fallait faire confiance à personne d'autre qu'à soi-même. Le Royaume n'était pas si différent, les Sorcières n'étaient plus en sécurité nul part, dorénavant elles allaient devoir se battre à chaque instant pour avoir une chance de survivre.

Les yeux mi-clos de la jeune femme continuèrent d'étudier son geôlier, car même s'il la conduisait à l'endroit prévu, elle savait qu'il pouvait faire ce qu'il voulait d'elle. Elle n'avait pas un bon pressentiment quant à son arrivée sur l'Île aux Dix Légendes, connu pour être l'endroit favori des pirates et des chasseurs de trésors. La pire vermine d'Allyden sévissait là-bas, loin de l'autorité royal et de la sévérité seigneurial.

John Harn avait enfin fini d'écrire lorsqu'il se rendit compte du regard qui pesait sur lui. Il tourna son visage vers la sorcière, mais celle-ci referma précipitamment ses yeux en faisant mine de dormir. Le pirate sourit, amusé par la réaction de la demoiselle et se leva.

Hélène ferma plus fort ses paupières en entendant les pas de l'étranger s'approcher, elle avait peur. Peur, qu'il tente quelque chose, qu'elle soit obligée de se défendre, de devoir le tuer et de se retrouver seule face à un équipage en colère.

— Tu peux arrêter de faire semblant de dormir, suggéra-t-il.

La jeune femme ouvrit les yeux, découvrant le sourire goguenard du pirate face à elle. Il semblait plus amusé qu'autre chose, mais, étrangement, toute son anxiété disparue en découvrant l'unique pupille brune du capitaine. Cette dernière avait de magnifique reflets dorés qui dansaient sous la flamme vacillante proche d'eux. Hélène ne put s'empêcher de se dire qu'il avait les mêmes yeux que son frère, les mêmes dorures dans ce brun clair.