Elu des déesses [Terminée]

9. La réunification

       

            Le bruit résonna contre la pierre, contre les murs. L'épée gisait, une partie au sol, l'autre dans la main de Link. Fendu à plusieurs endroits, elle ne pourrait être réparée. La fin de Ganon était proche. Link avait le cœur qui battait à la chamane, son souffle était court, sa tête lui faisait mal. Le sentiment de puissance avait disparu, remplacé par ce malaise. Les déesses le punissaient probablement, pour avoir obéi à Ganon. Mais c'était le seul moyen de détruire définitivement le démon !

Durant ses jours de voyage, il avait perçu toute la douleur de ses réincarnations. A chaque fois que Ganon prenait le dessus. Il ne pouvait pas rester sans rien faire, à attendre une mort douloureuse une nouvelle fois ! Pourquoi devait-il être maudit ? Pourquoi devait-il perdre Zelda aux mains d'un autre ?

Le jeune Link était tombé à genou, tandis que l'adulte s'approchait. Même s'il avait promis, il devait en finir, détruire définitivement Ganon, protéger la princesse au péril de sa vie. Ça avait toujours été son rôle, même si un autre la lui ravissait.

Le vieux se pencha et ramassa la pointe, tandis que le jeune raffermi sa position sur la garde. Ils échangèrent un regard et le combat commença. C'était une question de survie. Qui serait détruit ? Ganon ou le héros. Car pour la deuxième fois, les deux possédaient autant de force que de courage.

Les coups se succédaient inlassablement, désireux de faire mouche, de pouvoir se dresser au-dessus du corps de son adversaire, d'être libre. Le vieux s'entaillait les mains, faisant couler son sang sur le marbre blanc. Mais il ne pouvait pas renoncer, pas maintenant, il était devenu le chevalier servant de la première princesse à cause de ses crimes, il ne pouvait pas abandonner, laisser sa création prendre le dessus.

Soudain, le jeune Link trébucha en arrière, lâchant le pommeau de l'épée pour attraper son visage. Il avait l'impression que sa tête allait exploser. Il hurla, tentant de recouvrir le rire qui l'assaillait. Pourquoi cela lui arrivait-il ? Il se mit à trembler, suant à grosses gouttes. Quelque chose essayait de s'infiltrer en lui, de prendre sa place, de le dominer. Et le jeune comprit, comprit que l'ombre lui avait mentit. Il n'était pas le porteur du courage, mais celui de la force. Son corps portait la marque que Ganon avait besoin pour se réincarner. Il était non pas l'élu des déesses, mais celui du mal.

            Le jeune hurla encore plus fort, faisant frémir et reculer l'autre. Il se battait contre un démon à l'intérieur de lui. La douleur lui brisait les os, le pouvoir de Ganon les réparait. Link avait l'impression de devenir fou. Soudain, le possédé murmura :

-S'il te plait, fais que ça s'arrête !

-Tu vas mourir !

            Ironiquement, le vieux refusait désormais de lever son morceau d'épée sur l'enfant, bien qu'il aurait accepter de le tuer en combat singulier. Mais au fond de lui, il connaissait la véritable raison de son refus. Le courage n'était là que pour se dresser contre l'injustice. La sagesse repoussait l'injustice tandis que la force la détruisait. Ce n'était pas au porteur du courage de battre Ganon, il n'en avait pas le droit. C'était à Ganon lui-même de disparaitre, de repousser sa folie pour redevenir celui qu'il aurait dû être. 

Le vieux Link laissa l'épée de légende tomber au sol et vient poser ses mains sur les épaules de son homonyme. Celui-ci menait un combat intérieur, douloureux à la vue des larmes qui coulaient le long de son visage. D'une voix douce, le courage fit :

-Tu peux le repousser, le battre, tu en as le pouvoir. Aie confiance en toi

            Un rayon de soleil tomba sur les deux, les enveloppant de sa chaude étreinte. Le vieux Link plaçait tous ses espoirs en son homonyme. Il avait foi en lui. Sur sa main, la rune de la tri force disparu, avant d'apparaitre sur celle du jeune, qui eut une bouffée de courage. Enserré par la présence rassurante de l'homme, il repoussa Ganon à l'extérieur de son corps.

Le hurlement du démon retenti dans le temple, tandis qu'il se matérialisait. Son apparence changeait. Désormais, ayant été repoussé par son porteur, il n'avait plus d'enveloppe de référence. Avec rage, il reprit sa véritable forme, celle d'une ombre.

De toutes les vies, des toutes les réincarnations, les deux hommes n'avaient pas le souvenir d'avoir déjà perçu Ganon ainsi. Le courage affrontait toujours une transformation, alors que la force se faisait détruire par ce malheur infini. Il comprenait maintenant la douleur, la véritable douleur et la haine que ses sois portaient au héros. A cause de lui, de ses actes, sa présence, sa naissance, il était prédestiné à mourir, à souffrir pour l'éternité. Il comprenait que certains avaient été séduit par l'offre du démon. Etre enfin libre de la douleur.

Link se leva, ramassant le pommeau de l'épée de légende, se dressant contre Ganon qui ne pouvait rien faire. D'un geste rageur, il poignarda l'ombre, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle se dissipe, hurlant son désespoir au monde. Elle ne pouvait se défendre, n'ayant plus de contrôle. Les humains présents ne l'acceptaient pas et les déesses l'empêchaient de partir rechercher un nouveau substitut. La rage du démon augmenta encore, il n'acceptait pas sa défaite, il ne le voulait pas. Lorsque la dernière partie de son être disparu, une onde de choc traversa Hyrule, partant des confins des montagnes jusqu'aux extrémités des océans, détruisant toutes les sources de pouvoir du démon.

Dans le temple, le jeune et le vieux se faisaient face. Ils n'avaient plus à s'affronter maintenant. Le jeune Link tendit sa main, laissant les deux fragments de la tri force se détacher. Elles voletèrent un instant, avant d'être rejoint par la dernière partie, formant ainsi le symbole des déesses.

Les deux hommes se tournèrent vers l'entrée du temple, où la princesse les observait. Elle était arrivée lors de la destruction de Ganon. En même temps que son fiancé, elle avait récupéré ses souvenirs, tous ses souvenirs, de cette vie, comme des précédentes. Elle avait compris que tout allait se terminer, dans cette génération. Avec sagesse, elle devait être présente, pour faire le choix qu'elle n'avait pu faire avant. La jeune femme s'approcha doucement, finissant la réunification.