L'hommage

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Osia, année 300.

- Si nous sommes rassemblés aujourd'hui, c'est pour nous rappeler à quel point nous ne sommes que poussières et grandes choses à la fois. À l'aube du quatrième centenaire de notre existence, rappelons-nous avec modestie d'où nous venons et ce que nous vivons.

L'orateur marqua un temps d'arrêt, fit défiler ses notes en balayant de la main le pupitre face à lui. L'estrade était imposante et surplombait la foule d'au moins quinze mètres. Derrière lui, l'hôtel de ville et sa majestueuse façade de calcaire marbrée de tons orangés, trait caractéristique des roches de la planète.

Plus près, le conseil au grand complet, le parti majoritaire mais aussi l'opposition et les représentants des petites délégations en toge marron.

La nouvelle page apparût, il reposa sa main, leva les yeux et reprit :

- Chacun et chacune d'entre vous êtes l'héritage d'une humanité autrefois en perdition, le rayonnement d'une civilisation renaissante et prospère.
Aujourd'hui est un jour particulier : c'est le troisième anniversaire tricentenaire de notre création, l'année du Drapeau qui succède à celles que nos aïeuls ont connues.
Le premier anniversaire, celui du Soldat, marqua le premier centenaire du combat lié à la survie des renaissants sur cette planète. Le second, celle de l'année du Cheval, marqua la reprise de la recherche technologique et son développement.

Ces trois symboles, autrefois brandis par notre Mère Créatrice Osia, sont à présent le socle fini de notre grandeur et d'une nouvelle ère.

Notre planète en porta finalement le nom, en hommage à son sacrifice pour nos vies.

Si vous me le permettez, nous allons poursuivre la cérémonie. Comme décrit dans le message laissé par Osia et son protecteur Alab, il est explicitement inscrit qu'un autre message devait être dévoilé seulement en ce jour, tenu secret jusqu'alors, précieusement conservé dans la première statue érigée.

L'orateur se tourna pour pointer le Soldat, immense structure de métal et de pierre dans une position solennelle. Il se dressait au-dessus de l'hôtel de ville. C'était le point culminant de la petite vallée. Il faisait face à un cheval cabré sur l'ancien site du crash et au drapeau emblématique de la planète, réunissant ces trois symboles sur une toile colorée immense, flottant en amont de l'hôtel de ville, installé pour l'occasion.

Un murmure parcouru la foule. Des regards s'échangèrent derrière le pupitre.

Il fit un signe de la main, puis une femme en tunique blanche apparût au-devant de la scène, tenant en ses mains un objet recouvert d'un linceul. Arrivant à son niveau, la foule essayait de ne pas en perdre une miette. Les gens se bousculaient, pointaient leurs yeux par-dessus les têtes des rangs précédent.

Agacé, l'orateur fit mine à la femme de se hâter de lui transmettre l'objet.

Retirant le voile, il dévoila à la plèbe un cube lumineux de couleur bleue.

Il le plaça soigneusement au sommet du pupitre, sur une encoche prévue à cet effet.

- Voici le dernier cube d'âme et le seul que nous ayons connu. "Placé sur ce lecteur, il vous délivrera son message". Ce furent les derniers mots d'Osia, peu de temps après la naissance des premiers nés, qui récupèrent le fameux lecteur ici présent.

Depuis quelques secondes, le petit objet se soulevait doucement et la lueur en son cœur s'intensifiait.

- Nous...

L'orateur ne put terminer sa phrase, la foule ne l'écoutait plus. Le cube s'élevait maintenant à un bon mètre au-dessus de ses notes.

La lueur était si forte qu'il ne pouvait plus la regarder directement.

Les cubes d'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant