Chapitre 5 : Cédric

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Talia et moi c'est une longue histoire. Depuis que je suis arrivé à Manville, je crois ben qu'elle est la seule à m'avoir adressé la parole sans me craindre. Les autres filles considèrent tous les garçons comme des monstres sans même prendre la peine d'apprendre à les connaitre. Mais je n'aurais jamais cru que je me retrouverais banni de chez moi et considéré comme un "complice de terrorisme". Des affiches placardent Manville et c'est par cette dénomination que l'on parle de moi. Il y a nos portraits accrochés partout et le montant de la récompense inscrit à côté pour celui ou celle qui nous capturera "vivants". Talia semble bien sereine et je tente tant bien que mal de cacher mes émotions mais au fond je suis terrifié. Où pouvons-nous trouver refuge ? Comment tenir dans la forêt en ne mangeant que des baies ou des petits écureuils ? Nous ne savons rien de l'endroit où nous sommes si dans quel direction avancer. Derrière toute cette verdure pourtant je perçois un monde hostile, comme si les arbres n'étaient qu'un leurre pour nous attirer dans un piège.

Interrompant le cours de mes pensées elle me dit :

- J'ai décidé de me rendre à Paris. C'est le seul endroit où je serais en sécurité et...

- Attends, je ne comprends pas, pourquoi tu parles à la première personne ? On est dans le même panier je te rappelle donc là où tu vas, je vais aussi.

- Cédric... Je préfère qu'on se sépare. On peut faire le trajet ensemble mais à la Brèche tu me laisses. Je ne veux pas plus t'impliquer dans la mission que je me suis donnée. Tu as dû quitter Manville à cause de moi ce qui est déjà beaucoup trop et ce n'aurait pas dû arriver, ce n'était pas le plan.

- Ton plan je n'en ai plus rien à faire ! D'ailleurs on en a même plus ! Maintenant, on se retrouve tous les deux dans cette foutue forêt pleine de dangers qui nous guettent et toi tu veux éviter de "m'impliquer" ?! Mais je suis mouillé jusqu'au cou ! Et tu voudrais que j'aille où ? Comme tu viens de le dire je ne peux pas retourner à Manville, les habitants sont persuadés que je te cache et que je suis ton complice même ma propre famille a des doutes alors quoi ? Tu m'abandonnes c'est ça ? T'en as marre de moi, je suis qu'un fardeau, tu me supportais parce que je t'étais utile et c'est tout ? Je croyais que j'étais un peu plus que ça pour toi.

Amer et blessé dans mon amour-propre, je tourne les talons et m'enfonce dans la forêt. Elle ne tente pas de me rattraper et c'est ce qui me fait le plus mal. J'avais raison, elle est à l'aise dans ce milieu et je ne suis qu'un poids de plus sur son dos.

Je trouve un endroit où dormir et un peu de nourriture dans quelques arbres fruitiers que j'ai repéré mais je suis forcé de constater que j'ai mis beaucoup plus de temps que Talia pour arriver au même résultat. Je ne peux pas survivre dans la nature tout seul et je ne peux pas m'enfuir non plus, toute la famille qu'il me reste est à Manville. Je songe alors à y retourner...

Le lendemain matin, je me réveille courbaturé par ma nuit passée sur un amas de feuilles que j'ai tant bien que mal réuni la veille au soir. Je commence à m'étirer mais sursaute de frayeur :

- Talia ! Mais qu'est-ce que tu fais ici ? C'est MON endroit !

Elle sursaute elle aussi, je crois bien que je l'ai réveillée :

- Mais ça ne va pas ?! Je dormais Cédric !

- Tu dormais dans mon lit ! répliquai-je.

Elle se met à rire :

- Parce que tu appelles ça un lit ?

Regardant ce qui jonche le sol, je me mets aussi à rire. Cela fait du bien de retrouver le rire cristallin de Talia. Mais elle reprend très vite son sérieux :

- Je suis désolée pour hier, je pensais sincèrement que c'était le mieux pour toi mais je me suis rendue compte que tu étais dans la même position que moi, tu n'as plus personne et moi non plus alors on doit pouvoir se faire confiance mutuellement. Pour cela, nous devons être honnêtes l'un envers l'autre c'est pourquoi je veux éclaircir certains points de mon passé que tu ne connais pas et qui me poussent à tuer des hommes aujourd'hui. je ne veux pas que tu me considères comme un monstre, je préfère me voir comme quelqu'un qui oeuvre pour offrir un monde meilleur à mes enfants.

- Mais Talia, tu ne me dois absolument rien et tu resteras toujours cette petite fille qui jouait avec moi dans mon jardin.

- Merci mais je veux que tu connaisses la vérité.

Elle se met alors à me raconter son passé plus précisément la période avant que j'arrive à Manville. Les conflits entre ses parents et avec sa grande-soeur et puis l'organisation, l'engagement de son père, seul homme à être membre. Une fois son récit terminé et ne sachant pas quoi dire face à son histoire je décide de lui raconter à mon tour mon passé :

- J'ai toujours refusé de te parler de mes parents mais je pense que c'est le bon moment. Alors voilà : c'était le soir de Noël. Mes parents s'étaient faits une escapade en amoureux à Paris mais ils ont décidé de rentrer le 24 décembre pour nous faire la surprise alors qu'ils devaient initialement être à la maison le 26. Mes parents sur la route il a commencé à neiger, la route était gelée, ma tante chez qui je suis allée vivre après cela, nous a déclaré ce que les policiers avaient conclu : un chauffard a obligé ma mère a faire une embardée et ils ont atterri dans un lac à proximité de l'artère principale. Morts sur le coup ou noyés, on en sait rien. Mes parents sont entrés dans la catégorie « accidents de la route ». Avec mon frère de 2 ans mon cadet, celui que tu connais, nous sommes allés vivre chez ma tante Eugénie. Quant à la grande sœur, elle a préféré déménager à Paris où nos parents ont vécu leurs derniers moments de bonheur. Je me suis replié sur moi, j'ai éloigné tous les gens qui comptaient pour moi, même toi je ne t'en ai jamais parlé. Mon oncle avait entamé de nombreuses démarches dans l'espoir de retrouver le conducteur responsable de cette tragédie, en vain. Il doit vivre dans une maison bien au chaud avec sa merveilleuse petite famille pendant que nous faisons le deuil de notre père et notre mère. Quand j'ai commencé à t'appeler ça devait être 2 mois après notre rencontre, j'essayai de calmer mes crises d'angoisse et dans ce moment-là entendre ta voix m'aidait beaucoup. Voilà tu sais tout.

- Je... je ne me serais jamais imaginé ça. C'est horrible ce qui t'ai arrivé il n'y a pas de mots je ne sais pas quoi te dire. Cédric je suis désolée que tu aies eu à vivre ça et dire que pendant ce temps je me plaignais de mes parents ! Mais pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ? Cela fait plus de 10 ans que nous nous connaissons !

- Je crois que je n'ai jamais eu le courage de le dire à voix haute. Même si je savais ce qu'il se passait je ne voulais pas admettre que je ne reverrais plus mes parents.

Justement, je voudrais entrer dans l'organisation féministe dont tu m'as parlé et dont tu fais partie. Je voudrais être le deuxième homme après ton père à y entrer. Notre société actuelle est un vrai désastre et avec ce que tu as fait à Gérard, tu m'as convaincu qu'on pouvait changer les choses. Via en est devenue membre quand tu as quitté la ville, Gérard a bien été exposé comme tu le voulais et toutes les femmes lui ont lancé des couteaux il a été défiguré avant que les autorités ne puissent intervenir. Je sais qu'il y a un rite de passage et avant que tu n'en parles j'ai déjà ma cible : le fou qui a tué mes parents. Je le retrouverais et lui donnerais le sort qu'il mérite : la mort.

Talia remarqua que les yeux de Cédric brillaient d'un éclat sauvage, presque animal. La soif de vengeance.


Prédéfinis ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant