Chapitre 10

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Le choc de la rencontre entre mon corps et l'eau me coupa le souffle. Je sentis les eaux glacées s'infiltrer dans mes habits puis mon corps, comme si rien ne pouvait les arrêter. Puis le courant m'emporta et je ne distinguais plus le ciel de la terre, seul comptait les quelques bouffées d'air que je parvenais à inspirer de temps en temps. Le bruit assourdissant des rafales de vagues me rendait sourde à tout autre son. Je ne résistais même pas, consciente que tout effort n'aurait fait que me priver un peu plus de mon maigre butin d'oxygène. Je me laissais aller, les coups contre les rochers me brisant les côtes. J'aurais sans doute de beaux ecchymoses si j'arrive à réchapper de cette eau tumultueuse. je n'avais jamais senti une telle violence et je mesurais pour la première fois la force de l'eau. Soudain, une pensée jaillit de mon esprit embrumé à cause du manque d'oxygène : comment Cédric allait-il survivre à ces assauts ? Et moi ? Sortirais-je un jour de ces courants boueux infatigables ? Et dans quel état ? Mais la pensée qui m'attrista le plus fût celle de ne jamais revoir Cédric. De ne plus jamais entendre son rire, ni tenir sa main, ne jamais revoir ses yeux où une lueur d'amusement y brille toujours. Il a toujours répondu présent aux moments où j'en avais le plus besoin et maintenant qu'il a sûrement besoin de moi au milieu de ces tourments, je ne peux rien pour le secourir. Je me sens terriblement impuissante et l'envie me vient de laisser les eaux déferler sur moi et me recouvrir jusqu'au dernier centimètre carré de mon corps. Après tout, peut-être suis-je destinée à mourir de cette façon, peut-être le destin en a-t-il voulu ainsi. Alors que je sombre d'en une demi-inconscience, je sens que je heurte quelque chose de plus mou qu'un rocher, quelque chose de presque flasque, comme... un corps humain !

Je me retourne brusquement pour éviter ce contact lorsque je m'aperçois que cet individu ouvre les yeux. Il est vivant ! Cette soudaine apparition me redonne de l'espoir et me convainc que je dois pour me battre pour sortir de ces tourbillons, je le dois au moins à Cédric car je suis sûr qu'il se bat pour lui-même pour que l'on se retrouve. L'inconnu me prend alors la main et à nous deux, nous tentons de remonter le courant et de remonter à la surface. Lorsque j'inspire ma première bouffée d'oxygène, l'air me brûle les poumons mais bon sang, que c'est bon de revoir le ciel ! Mais déjà il nous fallait batailler contre le courant qui nous ramenait vers le bas. Tandis que je commençais à faiblir, mon compagnon d'infortune avait agrippé une branche d'arbre qui tombait à moitié dans l'eau et de ses bras musclés, il me tenait fermement par la taille tout en continuant de grimper dans un vieux chêne. A mi-parcours, il s'arrêta, visiblement épuise par ce vive effort. Je décidai donc de le relayer un peu et agrippai la branche à mon tour pour nous hisser. Arrivés à une hauteur raisonnablement éloignée des tourbillons qui venaient lécher le tronc d'arbre en-dessous de nous, nous nous effondrons sur un nœud que les branches forment et qui semble recouvert de feuilles. Sans nous douter une seule seconde qu'il s'agit du nid de quelque animal, nous soupirons de soulagement. Nous avons survécu ! Si je n'étais pas si réservée, je crois que j'embrasserais mon sauveur. Sans lui, je ne pense pas que j'aurais eu la force mentale pour s'extirper de cet enfer.

Mon esprit vagabonda jusqu'à Cédric. Il fallait impérativement que je le retrouve. Mais comment faire ? Les crues ne désemplissaient pas la forêt, il pouvait se trouver n'importe où ! J'étais tellement absorbé par mes pensées que je n'ai même pas entendu la question du jeune homme qui se tenait à côté de moi. Il me toucha doucement le bras pour me ramener au moment présent. Ce contact me fit frissonner mais me ramena à la réalité. Je me tournais vers lui, me rendant compte que ses traits étaient tirés par l'inquiétude.

-      Ça va ? me demanda-t-il.

-      Oui, très bien, le rassurai-je en esquissant un faible sourire.

-      Je m'appelle Théodore, commença-t-il, et je te suis reconnaissant de m'avoir sauvé la vie. Il me tendit sa main dans l'attente que je la serre. J'étais tellement sidérée que je ne bougeais pas d'un millimètre.

-      J'étais censé rejoindre mon village après avoir inspecté les alentours de notre campement pour vérifier qu'aucun rebelle ne s'y trouvait lorsque je suis par mégarde tombé dans l'eau, reprit-il, et toi que t'est-t-il arrivée ?

-      Je...je cherche à m'enfuir, répondis-je de but en blanc.

Recouvrant peu à peu mes esprits, je me mis à m'agiter :

-      Il faut absolument que je retrouve Cédric, c'est un ami avec lequel je voyage, il est lui aussi tombé, je DOIS le retrouver ! je commençai à me lever lorsqu'un vertige me prit. Théodore me rattrapa par le coude et m'obligea à me rasseoir.

-      Ouh là, doucement, depuis combien de temps n'as-tu pas avalé un morceau ? me demanda-t-il.

-      Heu... je ne me souviens pas. Je voyais maintenant des étoiles danser devant mes yeux. Théodore prit alors les choses en main. Il fouilla dans ses poches mais n'en ressortit qu'avec des miettes imbibées d'eau. Il regarde attentivement autour de nous et se mit à se suspendre à une sorte de liane qui pendait de notre arbre. De son perchoir improvisé, il attrapa un fruit exotique et me le tendit, fier de sa prouesse.

-      Merci, lui dis-je en acceptant le fruit avec un sourire de reconnaissance. Il était délicieux et me redonna assez de vigueur pour le questionner :

-      Où se trouve ton village ?

-      Un peu plus loin dans la forêt, nous ne voulons pas vivre avec les autres dans un monde gouverné par les hommes, avec mon peuple, les filles sont traitées comme les garçons.

-      Vous êtes en avance sur tout le monde ! m'exclamai-je.

-      En fait, non, on est plutôt en retard, rigola-t-il. Ce sont nos ancêtres qui nous ont transmis ces valeurs, à leur époque, il y a très longtemps, les femmes et les hommes se considéraient comme égaux et la différence entre les genres n'existait pas vraiment. Aujourd'hui, nous voulons perpétrer cela.

-      Ça m'a l'air fantastique, rêvais-je à voix haute.

-      Et bien ne perdons pas de temps, allons-y !

Il descendit agilement de l'arbre, ses mains sculptées effleurant à peine l'écorce, et sauta à bas de la dernière branche d'arbre tel un chimpanzé. Ou aurait cru qu'il avait fait cela toute sa vie. Je descendis à mon tour. Moins à l'aise que lui, je m'agrippais de toutes mes forces au tronc d'arbre, descendant par-à-coups. Lorsque je parvins près du sol, je sentis de puissantes mains m'enserrer la taille puis me poser délicatement à terre. Je remerciai mon guide et nous nous enfoncèrent tous les deux dans la luxuriante végétation qui s'offrait à nous.

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⏰ Dernière mise à jour : May 29, 2018 ⏰

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