La plume

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Je me suis détachée du corps auquel j'étais accrochée et je me suis laissée emportée par le vent comme une vulgaire poussière. Je me sentais portée par les masses d'air chaud.

Je volais.

J'ai traversé des particules visibles d'eau en suspension et j'ai continué de tomber. J'ai levé le yeux vers le haut et j'ai vu les nuages en petits. Il étais si grands avant. C'est fou comment la perception des choses change selon le lieu où on les regardent.

D'ailleurs la terre se rapproche bien vite tout à coup. Ma vision bloquée sur cette masse verte qui s'agrandie de plus en plus. Je me sens atterrir sur une feuille d'arbre.
Un hêtre apparemment.

Je me demande ce que je fais là.
Pourquoi ai-je été séparée de mon corps? Pourquoi je me retrouve ici?
J'ai froid sans toi. Pourquoi tu as gardé toutes les autres hormis ma personne? Tu m'as laissée seule, trop seule. Tu t'es délesté de mon poids alors que tu étais tout pour moi. 

Je t'attends, ne t'inquiète pas, sur cette feuille, sur cette branche, sur cet arbre dans cette forêt.

Dépêche toi, cela fait des jours que je suis là. La pluie est tombée et j'ai perdu le sublime de mon duvet. Je suis collée à cette feuille sans pouvoir repartir. Même un coup de vent, un rafale ne me ferais décoller, comme toi tu le faisait si bien, en un coup d'aile.

J'ai touché le sol avec ma compagne, devenue ocre avec le temps, sur laquelle j'étais accrochée. Je me sens mal de t'attendre comme ça alors que toi, tu es déjà loin. Sans moi.

Comment peux-tu encore voler sans mon aide? Je ne comprends pas pourquoi tu m'as laissé partir. Pourquoi? Je ne prenais pourtant pas beaucoup de place, j'étais légère.

Cela fait des mois que je suis à terre. Mes extrémités se font rongées par la vie du sol sans que je puisse contrer cette immanquable issue.  Ces animaux qui me grignotent, toi tu mangeais autrefois, quand j'étais encore avec toi.

Je ne t'attend plus. Je sais que ma vie était destinée à t'accompagner un moment puis de repartir. Je me suis fais une raison. Je vais me laisser dévorer et mourir à petit feu sous tes vols, sous ce ciel qui a fait de nous des inséparables. Je t'ai appris voler et tu m'as laissée. Je ne t'en veux plus. 
N'oublie pas que je pense à toi.

Ta plume.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 23, 2018 ⏰

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