Choisie Par La Lune

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Je ne vais pas y arriver. C'est sûr, je vais me vautrer devant tout le monde, tête en avant, cul en l'air, et je..

J'imagine, mortifiée, toutes les manières de m'humilier moi-même qui se dessinent dans un futur proche. Ma tête est devenue ma pire ennemie, laissant les pires scénarios envahir mon esprit sans discontinuer et en rivalisant d'imagination.

– Les filles du podium débutent dans une heure seulement, Masha, tu peux faire ton service au bar en attendant ! me lance Patricia, me sortant de mes pensées apocalyptiques.

– Hein? Heu.. bien sûr, approuvé-je, sourire crispé aux lèvres.

Aller derrière le bar ?! Servir de l'alcool aux clients lourdingues, maquillée et vêtue de la sorte ?! Mais elle veut ma peau, c'est pas possible ! 

Me remémorant mes techniques d'auto défense et révisant mes meilleures réparties, le coeur battant à tout rompre, je me dirige vers le comptoir, prête à envoyer sur les roses le premier qui me pompera l'air.

Parvenue sous les néons violets qui se répercutent méchamment sur les sequins de ma robe, me donnant l'impression d'être sous des projecteurs, je salue Steve distraitement.

– Sérieux, princesse qu'est-ce que tu foutais ! commence-t-il à râler sans me jeter un coup d'oeil. Tu sais que tu peux pas me faire le coup d'être en retard un vendredi soir, nom de Dieu ! T'as de la chance que je t'aime, hein ! Sinon je t'aurai dénoncée à Patricia en un claquement de... MAIS QU'EST-CE QUI T'EST ARRIVÉ ??? beugle-t-il d'une voix suraiguë quand il lève enfin les yeux vers moi.

A en voir sa tête, on jurerait que j'ai deux yeux au beurre noir, la moitié des cheveux arrachés et une arcade sourcilière ensanglantée. Minimum.

- Chhhhhhhhh, me herissé-je en lui faisant signe de baisser d'un ton.

J'adore Steve, mais il a tendance à en rajouter des caisses exprès et là, tous les visages autour de moi se sont tournés dans ma direction en entendant son exclamation. Ce qui a l'air de le mettre en joie.

– Je suis si moche ? demandé-je à mi-voix.

– Tu es divine, chérie mais si c'est pour ça que tu me laisses me démerder dès l'ouverture...

– Patricia m'envoie sur le podium ce soir, le coupé-je.

Son visage se fige d'un coup et passe de l'agacement amusé à un choc profond. Puis, lorsqu'il enregistre mes paroles et y associe ma tenue, il parle enfin.

– Toi ? Mais je croyais que tu lui avait dit que tu étais incapable de danser !

– C'est le problème, elle n'a pas l'air de croire à la version officielle ! C'était pourtant mon salut ! Je vais sûrement tomber, me ridiculiser et...

– Hey, j'veux pas vous interrompre mais y a moyen de prendre ma commande avant que je vieillisse ? nous coupe une voix raillarde.

Je me tourne vers le client impatient et lui lance un sourire désolé. Accoudé au bar, il me transperce des yeux. Ambiance.

– Désolée, c'est une soirée chargée, commencé-je. Que puis-je vous servir ?

– Chargée ? Il est vingt et une heures et y a qu'une dizaine de pequenauds au bar, poupée. Mets moi un whisky sans glace et une vodka.

Je fronce les sourcils. Pour qui il se prend celui ci avec son nez de traviole et ses cheveux blonds crades en queue-de-cheval pourrie ?

– Tout de suite, dis-je néanmoins en préparant ses boissons.