Chapitre IV

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À 22h et demie, les carillons du manoir retentirent et une silhouette noire se glissa dans la pénombre du couloir, une lanterne à la main. Impossible de dire s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme : Un épais manteau couvrait l'individu en fuite de la tête aux pieds, et son visage était dissimulé par une grande capuche. L'ombre avança prudemment entre les tapisseries et les bibelots ornementaux, ses pas créant à peine un léger frou-frou sur le précieux tapis.

Victor Frankenstein s'évadait en silence. Il recouvrit davantage son visage d'un tissu noir, de ses mains agiles et gantées, dans un léger mouvement, et chacun de ses gestes semblait encore plus noble dans la noirceur. La Nuit le camouflait aux yeux indiscrets du monde et il reprenait toute sa prestance. Une lueur inquiétante de révolte et de feu brillait dans son regard émeraude.

Il se dirigea tout droit vers le salon, parcourant des yeux les rayons de l'immense bibliothèque. La lueur rougeoyante des lampes à huile éclairait les titres des livres, et l'homme remarqua l'un d'eux, dissimulé derrière des boîtes à cigares. Il effleura la tranche de cet ouvrage jauni et usé du bout des doigts.

Il sourit dans la pénombre, et lu à voix basse les quelques mots inscrits sur la couverture :

Principes et Anthologie de la science moderne,

Par le Dr. Frankenstein.

-Comme c'est intéressant. Réellement, je ne m'attendais pas à retrouver cela ici. Ha, ha! Les bourgeois qui habitent ce manoir ont de la culture... et de l'audace.

-Que faites-vous?

Il se retourna. Nora était entrée dans la pièce et s'avançait, vêtue de vêtements légers et d'une cape de fourrure. Ses cheveux bruns dénoués et légèrement ondulés encadraient son visage, et la faisait ressembler à une enfant. Ce fut tout au moins l'impression qu'eut Victor, une fraction de seconde avant qu'il ne la regarde dans les yeux et voit le feu qui y flambait. Alors, les traits de la féline apparurent de nouveau, comme la première fois qu'il l'avait rencontrée.

Il répondit à sa question sur un ton tout aussi sarcastique qu'elle était sérieuse.

-J'examine vos ouvrages, Mademoiselle Nora. Intéressant spécimen que ce livre de science. Vous étudiez les travaux damnés du Docteur Frankenstein?

À l'évocation de ce nom, la jeune femme laissa une lueur de respect miroiter dans ses  prunelles. À son grand étonnement, elle alla lui prendre le livre des mains. Cette nouvelle étincelle ne la rendait pas moins menaçante, mais l'humanisait quelque peu.

-Oui. J'ai une grande admiration pour l'auteur de ce livre. Il a découvert tant de choses, voyagé dans tant de contrées lointaines... N'ayant aucun lien avec l'Ordre,  je me permets de garder ce livre ici. Puisque vous êtes un connaisseur, vous devez en savoir beaucoup sur le sujet ?

Elle avait appuyé deux doigts sur ses lèvres sombres et veloutées en posant cette question, comme si elle en doutait.

-En effet, jeune dame. Je suis médecin et également scientifique... Ou plutôt, comme vous le dîtes si bien avec le code du pays, un connaisseur, un alchimiste.

Elle fronça les sourcils, et s'approcha rapidement de quelques pas.

-Alors, vous ne niez pas être un alchimiste ? Vous dîtes n'avoir aucun lien avec l'Ordre et vous pensez que je vais vous croire ?

L'homme rit avec dérision, et secoua la tête. Il attrapa le visage de Nora D'Arenberg entre ses doigts gantés et agiles, -à ce moment, elle fit mine de le frapper mais s'arrêta juste à temps-, et murmura à son oreille :

-Si je faisais partie de l'Ordre, je vous aurais tuée sur-le-champ, ainsi que les autres membres de votre famille, pour avoir en votre possession le livre du Docteur Frankenstein, vous ne croyez pas ?

Ses paupières tremblèrent, et elle sembla faiblir un instant, puis elle se ressaisit brusquement et attrapa le bras de Victor avec force, ses mains tremblant légèrement.

-Lâchez-moi !

-Bien entendu, très chère. Je ne brutalise pas les femmes.

Il laissa retomber son bras en ricanant, et elle inspira profondément pour se calmer, sa nature frondeuse et révoltée la sommant de gifler cet étranger arrogant qui fouillait dans propre bibliothèque et se moquait d'elle après coup. Il agissait beaucoup trop familièrement avec elle, comme s'ils se connaissaient depuis toujours, et elle ne l'accepterait certainement pas.

Nora serra les poings, et dit avec calme et froideur :

-Si vous êtes défavorable à l'Ordre comme vous le dîtes, suivez-moi.

-Vous suivre alors que je ne sais pas dans quel guêpier vous voulez m'attirer ?

-Vous devez me faire confiance.

Victor Frankenstein plongea son regard avec tranquillité dans ces yeux de braises qui le fixait férocement. Finalement, il hocha doucement la tête.

-Je ne vous fais pas confiance, mais je crois pouvoir me défendre en cas d'entourloupe. Allons là où vous voulez m'emmener, que ce soit aux Champs-Elysées ou sur un gibet !

Elle acquiesça.

-Suivez-moi, et ne faites pas de bruit.



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Ah, cette photo n'est-elle pas magnifique? Comment un homme aussi splendide peut-il vraiment exister? (Bon, j'arrête de m'extasier XD) Ceci est le dernier chapitre que j'avais écrit d'avance. Si vous voulez la suite, dites-le moi^^

-Lou-Ana-

ÉléganceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant