Chapitre deux (Willy)

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Sur le chemin du retour, un silence gênant s'installa entre eux. Seuls leurs pas sur le béton et les bruits de la rue le troublait. Mary ne le supportait pas.

Le silence était l'une des choses que Mary détestait le plus. Le silence, c'était l'abandon, la mort, voir pire, l'indifférence. C'était ce qui pouvait arriver de plus horrible. Comment les gens pouvaient-ils vivre en silence ? Le langage n'était- il justement le propre de l'humanité, l'une des choses qui séparait les monstres d'eux ? N'était-il la façon la plus simple d'exprimer ses sentiments, sentiments dont les monstres semblaient dépourvus ?

Mary se plaisait à penser que c'était pour cela qu'ils ne parlaient pas. Ils n'avaient simplement plus rien à dire. Plus de sentiments, plus de remords, plus d'amours, plus de passions, plus de tristesse. Rien. Des coquilles vides. Des âmes éteintes. Des esprits morts.

Les Chasseurs avaient raison de les tuer. Il n'y avait plus rien à sauver en eux. Ils n'étaient plus, ils n'avaient jamais été, humains. C'étaient des bêtes sauvages, des animaux dangereux. Et l'humanité avait toujours su comment se comporter face à ce genre de choses. La stratégie avait toujours été payante sur le court terme. Quand on était menacé, on éliminait la menace. Que ce soit face aux loups, aux requins ou à des humains un peu différents, l'extermination était la solution.

C'était pour cela que Mary parlait tout le temps. Parce qu'elle était humaine, qu'elle se savait humaine, qu'elle se revendiquait humaine. Parce que son humanité était la chose dont elle était la plus fière. Parce qu'elle appartenait à la seule vraie espèce dominante de cette planète, et qu'elle tenait à ce que le monde entier le sache.

Erèbe, au contraire, comptait parmi les connaissances les plus taciturne de sa sœur. Il n'exprimait son avis qu'en cas d'extrême nécessité, ne disant jamais un mot plus haut que l'autre, n'engageait jamais la conversation. Mary ne comprenait pas, mais elle acceptait. Son frère parlerait, un jour. Et, en attendant, elle le ferait pour deux.

Mais, ce jour là, Erèbe parlait encore moins que d'habitude. Il ne réagissait pas, ou alors il répondait par monosyllabes. C'était inquiétant. Qui plus était, trouver un sujet de conversation s'avérait une véritable épreuve quand il s'agissait de son frère. Quand il avait décidé de se taire, il se taisait. Point.

Elle s'aperçut qu'il avait lever le nez vers le ciel poussiéreux. Voyant là un bon moyen de dire quelque chose, elle bafouilla une question générique :

« Il fait beau, non ? »

Ce n'était pas exactement le cas. Aujourd'hui, un épais brouillard de pollution masquait le ciel et l'astre du jour. Les rayons du soleil teintait sa couleur naturelle, le gris, d'un orange pâle. C'était comme ça tout le temps. Le monde n'avait peut-être pas pris sa meilleure décision, le jour où il avait décidé d'entasser les immeubles d'habitation et les usines dans un même endroit. Il n'avait pas eu tellement le choix, cela dit.

Mary ne s'inquiétait pas de toutes façons. C'était comme ça partout. Au même titre que l'horizon, la vision des étoiles était prohibée. La forêt était à part, bien sûr. Non seulement les étoiles y brillaient, mais on pouvait certainement y voir jusqu'au bout du monde, une fois grimpé en haut des arbres. C'était bien la preuve que ça ne pouvait pas être dangereux. Pas autant que les monstres.

« Hum... » se contenta-il de marmonner.

Erèbe n'avait pas l'air d'humeur loquace. Elle tenta autre chose.

« Tu n'avais pas un rendez-vous aujourd'hui ? »

Il haussa les épaules.

« Peut-être. Oui. Je n'ai pas très envie d'y aller.

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