Chapitre trois (A Liar)

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L'appartement comportait cinq pièces : une cuisine, deux chambres, une salle de bain et une pièce à vivre. C'est sur cette dernière que la porte d'entrée s'ouvrait.

La pièce était blanche. C'était toujours la réflexion que se faisait Mary en y entrant. C'était blanc. Vide. Impersonnel. 

Quand Alice était vivante, la pièce était très différente. Elle était passé par toutes sortes de style selon son humeur. Alice n'aimait pas spécialement le rangement, sa chambre avait toujours été un bordel sans nom. Elle appréciait simplement de trouver une résonance à ses pensées dans son environnement.

Leur mère avait toujours été qualifiée d'étrange. Les gens l'évitaient. Les Chasseurs l'observaient de loin. Les enfants s'enfuyaient à son approche. On murmurait sur son passage. Personne ne savait d'où elle venait. Elle était arrivée, un jour, accompagnée d'un certain Luke, un ancien Chasseur, qui deviendrait leur père. Depuis, elle n'était plus repartie.

Elle ne sortait jamais seule, parlait rarement aux gens qu'elle ne connaissait pas, ne cherchait pas le contact avec d'autres personnes que sa famille.

C'était elle qui avait choisi le prénom d'Erèbe, là où Luke avait décidé de celui de Mary.

L'un des seuls vestiges d'Alice était une petite table qu'elle avait installée là. Quand sa fin avait approchée, elle était aller régulièrement à l'église, où elle passait des heures à prier. Puis, lorsque son comportement avait commencer à changer et qu'elle n'avait plus pu sortir, elle avait installé sur le bois nu une croix et des livres de prière. Elle y passait parfois des journées entières prostrée dans la pénombre, récitant des chapelets de lamentation qui avait depuis longtemps perdu leur sens.

Mary lui avait demandée pourquoi elle n'allait plus à l'église et elle avait voulu répondre qu'il y avait trop de gens, là-bas. Sa langue avait fourché.

« Il y a trop de sang là-bas. »

Elle ne s'était même pas rendu compte de son erreur.

Alice avait toujours été étrange mais Mary était sure d'une chose : elle les avait aimés jusqu'à la toute fin. Même lors de ses crises de nerf les plus violentes, même lorsqu'elle s'était passée la corde autour du cou, elle les avait aimés.

Et elle était morte.

Mary avait sept ans. Elle savait ce qu'était la mort. Elle comprenait le concept. Un jour, untel était vivant, son cœur battait, il respirait, etc... et, le lendemain, il était mort. Les gens qui l'aimait pleurait un peu, on l'enterrait, on avait droit un discourt émouvant, on se mouchait... Et c'était fini. La vie le laissait derrière. En soit, la mort était plutôt simple.

Enfin, c'était ce qu'elle pensait.

La mort n'avait rien de simple. Ce n'était pas un changement d'état. Pas des condoléances. Pas un passage. Pas même une plaie ouverte.

La mort, c'était un vide.

Un trou béant qui ne se remplirait jamais. Une partie de l'âme arrachée. Des mots qu'on regretteraient de ne pas avoir dit. Des rires et des larmes qui n'existeraient pas. Des souvenirs... des choses... qui ne seraient jamais.

Et ça venait de recommencer.

Willy était mort. Ça voulait dire qu'il y aurait d'autres larmes, d'autres mots qui ne voudraient rien dire, d'autres visages sanglotants, un autre corps livide qu'on ne reconnaîtrait plus. Pourquoi est-ce que tout le monde agissait comme si ce n'était rien ?

Une main se posa doucement sur son épaule.

  « Ça va ? » lui demanda gentiment son père.

Elle ne répondit pas. Ses mains tremblaient. Elle y avait inconsciemment planté ses ongles.

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