Soirée de merde

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Bon là il est 21h43, je crois qu'on est le 21 ou le 22 novembre, je sais plus trop, mais je sais qu'on est samedi parce que ce matin je suis allée en cours. C'était plutôt nul, un peu comme d'hab quoi.

Ce soir, on est en soirée et j'aime pas trop ce mot, ça me fait penser à la street et aux beurettes et moi je veux pas penser aux beurettes, même si elles sont partout. Je préférais quand on disait le mot fête, je devais sûrement avoir 7 ans et on disait ça pour parler de la fête du nouvel an. Mais c'est pas grave. Maintenant je suis obligée de dire soirée, parce que la dernière fois j'ai dit à mon frère que j'allais à une fête et il s'est foutu de ma gueule.

Bref, est-ce-que vous voyez la meuf à côté de la table avec la nappe blanche toute déchirée ? Vous savez la blonde avec les taches de rousseur sur les pommettes, qui boit dans un verre en plastoque. Ouais ? Et bah c'est pas moi. Elle c'est Magali, la meilleure amie de la meuf qui a organisé cette soirée, pas besoin de préciser que c'est une connasse.

Moi, je suis à côté du canap vert et pas sur le canap, mais vraiment à côté parce qu'y'a plus de place. Du coup je suis assise par terre en tailleur, j'ai dû me prendre 3 ou 4 coups de genou depuis que j'y suis, mais je fais genre de rien pour éviter de me prendre une patate dans la tronche d'un punk gobeur de pilules.

Je me fais chier, je veux rentrer chez moi, les soirées c'est pas du tout mon truc, c'est Élis qui m'a forcée à venir, mais je sais pas trop pourquoi parce qu'il s'en fout de moi au fond. Je le vois pas, je sais jamais où il est et pourtant la baraque de Lou elle a même pas d'étage. Les seules fois où je le vois il est ivre-mort et il part en couilles.

C'est dur à dire, mais Élis c'est mon copain. Ma mère Blandine, ouais Blandine, elle l'appelle le gars aux cheveux roses, un peu comme tout le monde d'ailleurs, parce qu'elle oublie toujours son prénom et qu'elle zappe h24 qu'on est en couple. Fin si on peut dire ça. Elle veut jamais qu'il dorme à la maison, je crois que c'est à cause de ses cheveux et pas parce qu'elle a peur qu'on s'envoie en l'air, elle sait que c'est déjà arrivé de toute façon.

En vrai, Élis il s'appelle pas Élis, mais je l'ai toujours cru. L'année dernière, quand il a reçu son bulletin du troisième trimestre, il m'a dit qu'il était dans la merde et sur son bulletin c'était écrit Colin. Alors avec ma voix de bonhomme je lui ai dit : « Tu t'appelles pas Élis ? » et lui il a répondu: « Bah non » et il a rigolé comme si j'étais conne alors que c'était pas drôle.

Je crois que c'est devenu un choc émotionnel, parce qu'absolument personne l'appelait Colin, ça devait faire 5 mois que j'étais avec lui à ce moment là et j'avais jamais su que c'était pas son vrai prénom. Je sais toujours pas pourquoi il se fait appeler Élis, mais je continue d'utiliser ce prénom pour lui parler, même si maintenant ça sonne bizarre.

Colin ça lui va mieux et j'en ai marre de ses cheveux roses même si ça le rend encore plus beau, je regrette ses cheveux blonds. Il est jamais là, il est pas sérieux, il met plus de 14 minutes à répondre à mes sms et moi ça me fait chier, pis ça me donne envie de lui mettre des coups de poing dans la tronche. Je lui en avais déjà mis, mais il s'en foutait, ça le faisait rire à chaque fois. Moi, je m'en voulais toujours, parce que si c'était lui qui m'en avait mis, ça serait grave et ça, ça me saoulait. D'ailleurs une fois il m'en avait mis un, son meilleur pote Joris lui avait dit que c'était un malade, alors que quand j'avais raconté à Charlotte que j'avais mis un pain à Élis à plusieurs reprises elle m'avait répondu qu'il le méritait. Après j'en ai pas reçu d'autre, probablement parce qu'il écoutait trop Joris et que c'était un peu comme son parrain des alcooliques anonymes.

J'ai envie lui envoyer un message pour lui dire que je veux me barrer, sauf que le truc c'est que c'est moi qui ai son portable, alors c'est pas super pratique. Je sais même pas pourquoi j'ai son portable dans les mains, en tout cas je fouille pas dedans parce que de toute façon je sais qu'il parle avec plein de filles et aussi qu'un peu tout le monde est amoureux de lui.

Je suis jalouse, mais je lui montre presque pas pour pas qu'il me prenne pour une folle, même s'il m'a déjà dit que j'étais tarée et pas qu'une fois. Élis il doit pas comprendre pourquoi je lui met des poings dans la tronche, mais tant pis c'est pas grave. Ce qui est plus grave, c'est que je me sente comme une merde à côté de lui et à côté de toutes ses potes filles qui lui tournent autour, enfin il dit que c'est ce que je crois. Mais je vois bien qu'au fond elles aimeraient bien se le taper et ça me rend dingue dans mon coin. Mais lui il avait dit qu'il me trouvait soi-disant drôle et ça lui avait suffi pour se mettre avec moi 4 mois après.

Comme je peux pas lui envoyer de message, je me lève en galérant, mais je me lève quand même et je pousse gentiment des gens pour aller devant le buffet avec ma casquette rouge et mes petites couettes qui ressemblent à des petits « kikis » d'après Élis slash Colin. Il reste même pas 10 gobelets sur le buffet et la pile de gobelets propres a été descendue en moins d'une heure. Je touche tous les gobelets, mais le mien est plus là, alors sans faire exprès je soupire un « Putain mon champomy », ouais parce que quelqu'un s'est tranquillement tapé mon verre de champomy. Par contre celui d'Élis est encore là, alors je suis  obligée de profiter du système pour pas crever de soif. Donc forcément je le chipe et attrape un marqueur noir sur la table avec la nappe déchiquetée, pis je barre le prénom gribouillé dessus et à la place j'écris « Colin ». Sauf qu'à ce moment là y'a Joris qui arrive derrière mon épaule et qui me regarde super mal comme si j'avais gerbé sur le tapis bleu canard de Lou. Du coup je balance le marqueur et comme par hasard il réatterit dans le gobelet d'un certain Maxence que je connais pas du tout.

– C'est Élis qui a bu ton champomy, il a cru que c'était du mousseux. Qu'il me gueule dans l'oreille droite, en attrapant un verre en plastoque au hasard sur la table. Le verre de Marion que je connais bien pour le coup.

– Oh l'enfoiré.

Joris boit son gobelet ou plutôt le gobelet de Marion cul sec, avant de l'écraser sur le buffet et de me filer la bouteille de coca qui est derrière les verres avec le prénom des autres gens de la soirée. Alors je remplis le verre d'Élis de soda, revisse le bouchon rouge et repose la bouteille incognito par terre pour pas être obligée de tendre mon bras. J'avale la moitié de mon verre d'un coup comme si j'avais pas bu depuis 2 jours et mes yeux se mettent à fixer l'étiquette du bonnet vert sapin de Joris qui dépasse sur ses bouclettes brunes. Je lui dis pas parce sinon il va sûrement balancer que je suis débile et que ça sert à rien de chipoter pour une putain d'étiquette qui dépasse.

Joris il est mignon, mais pas autant qu'Élis, pis de toute façon il m'aime pas, il me trouve chelou et conne, du moins c'est ce qu'Élis m'a dit et je sais pas pourquoi mais il me parle toujours bien en soirée alors que d'habitude il me traite comme une merde au lycée.

Et là, y'a un con qui commence à gueuler : « J'ai trouvé de la coke les putes ! », en soulevant un sac plastique orange et tout le monde se met à hurler avec lui, un peu comme s'il venait de se passer un truc incroyable. Pis comme par hasard ce gars a des cheveux roses qui arrivent jusque sous ses oreilles percées de partout et il doit bien faire 1m85 ou un truc dans le genre. Ouais c'est Élis et ouais ça m'étonne, parce qu'y'a que lui pour faire des trucs comme ça.

Élis tu casses les burnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant