Préambule

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{Pdv Lexa}
J'étais dans la Elizabeth St, juste à coté du fameux Hyde Park de Sydney. Dans cette rue, touristes, femmes en tailleur, et nourrices en retard, se mêlent, se poussent, et courent dans tous les sens, si bien que d'un œil lambda, il est presque impossible de les différencier.

Mais moi j'ai l'habitude d'observer, d'analyser les gens. Parfois j'ai même l'impression de ne plus exister, d'être un fantôme, tous passent à côté de moi, me frôlent, et ce sans même me jeter ne serait-ce qu'un regard, le plus froid soit-il. Beaucoup de gens sont dans ma situation à Sydney, et j'aurais pu me faire pleins d'amis dans la rue, si je l'avais voulu.

Seulement j'en avais pas envie. Je veux que ma mère soit la dernière qui ait pu entendre ma voix. C'était une belle femme, la plus belle qui soit même. La beauté de son sourire reflète encore mes idées noires à aujourd'hui. À aucun moment de ma vie je n'ai cessé de penser à elle, je n'ai jamais été en colère ou déçue d'elle, même si j'aurais pu.

En effet maman est morte en laissant derrière elle une tonne de dettes, et en me laissant seule, totalement seule. Avant on vivait toutes les deux, dans un petit appartement, mais c'était notre définition du bonheur. Papa, lui, avait fui à ma naissance, c'est vrai qu'un homme a toujours peur des responsabilités, quelles qu'elles soient. Je hais les hommes, je hais ma famille, je hais les gens heureux, les couples, les enfants innocents, les vieux qui se la coulent douce, tous. Je n'aime rien, et à aujourd'hui, tout ce que j'ai de plus cher, c'est la photo de maman, toujours plaquée dans la poche intérieure de ma doudoune dechirée.

Mes journées sont longues, bien qu'elles soient rythmées par les pas pressés des Sydneysider. Il faut bien que j'aille aussi vite qu'eux, sinon mes chances de manger baissent considérablement. Je ne suis pas de ceux qui font la manche, j'ai l'impression de les voler encore plus que lorsque j'insère ma main dans leurs divers sacs et poches.

J'ai jamais été une bonne citoyenne, j'ai jamais été quelqu'un de bien, et ça les quelques filles que j'ai frequenté auparavant peuvent en témoigner. Je hais l'amour, et tous les sentiments qui s'en approchent, je me refuse à aimer, parce que ça blesse, et blesser c'est ce que l'Homme sait faire de mieux. Puis même, je ne vois pas à qui je pourrais plaire. Les cheveux toujours en bataille, mes fringues trouées -et je vous assure que ce ne sont pas les trous actuellement à la mode- mes manières de courir, et mon odeur corporelle, tout ça, tout ce qui me décrit le mieux, représente tout ce que les autres detestent.

Parfois même je me surprends à me détester moi-même, ce que je suis devenue. Je me dis que maman ne serait pas fière de voir que sa fille est une voleuse, mais je me rassure en me disant que certes, je suis une voleuse, mais je suis certainement la meilleure de tout Sydney. Pourquoi la meilleure ? D'une part cela fait deux ans que je survis de cette manière, et d'autre part je survis presque aussi bien que lorsque je me devais d'aller en cours tous les jours.

Le vent de la liberté hein ! Vous n'y goûterez jamais autant que moi à l'heure actuelle. Vous aurez toujours quelqu'un qui pensera à vous, ou qui essaiera de vous contacter, ou de vous aider. Je n'ai personne, et même si je l'avais voulu du plus profond de mon cœur, je n'aurais jamais été épaulée par personne. Je dois bien avouer qu'au tout début je priais le bon dieu de m'aider. Mais ce petit diablotin n'a jamais rien fait, ce qui lui a valût un flot d'insulte continu de ma part, et ce durant des mois entiers.

On se résigne vite à notre sort. Pour ma part, il m'a fallut exactement quatre mois, oui tout pile. Comme si au bout de cent vingt jours précisément, je me suis enfin rendue compte que c'était comme ça, et que notre bon Jésus n'y changera rien. Depuis ce jour je ne crois plus en lui, ni en rien. Pourquoi croire en quelque chose qui ne croit pas en nous ? Je me perds de plus en plus en ce moment, c'est parce que ça fait trop longtemps que je suis dehors.

Ma plus belle erreur -clexa-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant