Chapitre 2

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J'embrasse la joue de ma mère avant de quitter la maison. Me voilà dehors, me voilà libre. C'est drôle de se dire qu'on est libre dehors, non ? Parce que si on y réfléchit bien, on est libre de rien. Rien n'est gratuit, même pas prendre le transport en commun alors on n'est pas si libre que ça de se déplacer d'un point A à un point B. On est juste libre de marcher. Mais par moins dix degrés à sept heures du matin, qui aime marcher ? Pas moi. Comme tout le monde, je me laisse prendre par le bus pour aller jusqu'au lycée. À l'arrêt, il n'y a personne que je connais vraiment, juste des habitués du bus à cette heure-là. Il y a des places assises, pourtant, je ne m'assois pas, je n'aime pas cela, surtout qu'il y aura toujours une personne âgée pour me demander de partir. Je me cale contre la vitre du bus. Il y a de la condensation sur la glace. Je ne sais pas si c'est l'enfant qui sommeille en moi qui se réveille mais je ne peux pas m'empêcher de toucher la vitre, d'y faire un dessin. Même avec la musique un peu trop forte dans mes écouteurs, j'entends rire près de moi. Je relève la tête et vois une fille, plus jeune que moi, elle ne doit même pas être au lycée, pourtant, elle est déjà grande par la taille. Je rougis, ne me dîtes pas qu'elle m'a vu dessiner sur la vitre du bus. Je vois ses lèvres bouger, pour mieux l'entendre, j'enlève un écouteur. On se retourne sur moi quand je me rends compte que l'on entend le Nickelback que j'écoute.

— Pardon ?

— Je vous demandais ce qu'est votre dessin.

— Un chat.

Elle rit et fronce les sourcils. Je la regarde sérieusement. Est-ce qu'elle doute de mon talent en dessin ?

— Tu vois quoi toi ?

— Une baleine.

Mon regard passe de son visage à mon dessin puis de mon dessin à son visage. Elle doute vraiment de ma performance. Elle pose sa main sur mon bras. Par mon manteau, je ne sens pas sa peau, mais je sens la chaleur de son corps qui lutte contre le froid.

— Vous savez le talent est parfois lent. Vous chantez ?

— Bien sûr. C'est moi qui enregistre les albums de Beyoncé, elle ne fait que du playback.

— Je me disais aussi.

Elle a à peine fini sa phrase que le bus freine d'un seul coup. Mécaniquement, j'attrape son bras pour ne pas qu'elle tombe, elle qui ne se tient pas à la rampe. Elle me remercie et m'annonce que c'est son arrêt. Je la salue, elle me sourit et part. Je remets mon écouteur dans l'oreille, Nickelback a laissé la place à du Jay-Z. Heureusement pour moi que mon portable n'a pas mis ''la reine des neiges'' tout le monde aurait entendu, je serais descendu à l'arrêt. Je la regarde s'en aller à travers la vitre, à travers mon chat qui ressemble à une baleine. Je souris bêtement. J'aime ce genre de rencontre, j'aime ce genre de personne. Dès que je ne la vois plus, je me cale à nouveau, sac contre la glace.

— Xander !

Je lève les yeux vers celui qui m'appelle, mon ami de ma nouvelle classe. Je tends ma main pour qu'il la serre pour que l'on se salue. J'attrape mon téléphone pour éteindre l'application de la musique. Tant pis, je n'entendrai pas Olaf qui chante en été ce matin. Je range mes écouteurs. Cette fois-ci, c'est lui qui me tient le bras pour pas que je tombe lorsque le conducteur s'arrête trop brutalement.

— T'as révisé le contrôle de maths ?

— Pas vraiment, lui répondis-je, et toi ?

— J'y ai passé ma soirée. J'ai réussi à lâcher ma Playstation pour mes cahiers de cours.

— Je ne peux pas être plus fier de toi ! Lançais-je en lui frappant l'épaule.

Je n'ai jamais eu besoin d'apprendre pour les mathématiques. Il me suffit juste de quelques exercices et tout rentre dans ma tête. On continue de parler, il me demande certaines formules en me disant qu'en les réentendant une dernière fois ça l'aidera. On descend du bus lorsqu'on arrive à l'arrêt du lycée. Les mains dans les poches, le visage emmitouflé dans mon écharpe, j'arrive au lycée. Il est toujours en train de réciter les formules. J'aimerais tellement lui dire que c'est trop tard maintenant, dans son état de stress, il ne retiendra plus rien.

Tout de suite, on va à la salle, on ne prend pas le temps d'aller voir nos amis, on ira pendant la récréation. Il me dit que rien ne doit le déstabiliser. Le professeur arrive en avance et nous permet d'aller nous asseoir. Alors que je passe devant son bureau, il m'interpelle.

— Xander, mettez-vous à côté de Kloé.

— Qui ?

— Celle qui est assise aux tables à côtés de la vôtre.

— Monsieur ! J'ai besoin de Xandy pour le contrôle ! Crie mon ami.

— C'est bien pour cela que je le change de place, à côté de Kloé il n'aidera personne.

Mon ami souffle, balance son sac sur la table, fait grincer sa chaise contre le sol et finit par s'asseoir. Je ne fais pas le même vacarme, car cela ne me dérange pas de m'asseoir à côté de cette Kloé. Au moins, maintenant, je connais son prénom. Elle n'est pas encore arrivée, mais je connais la chaise qui ne supporte personne, alors je m'assois à cette table. Je sors ma trousse, que je pose au bout de la table. Je suis un peu maniaque sur les bords, j'aime que tout soit à sa place, surtout que j'ai l'habitude de m'étaler. Un crayon qui n'est pas rangé me gêne. Je regarde une dernière fois mon téléphone, le mets sur silencieux. Je n'enlève pas mon manteau, j'ai toujours pris l'habitude de le garder sur moi, que ce soit en cours ou à la maison. Souvent, ma mère n'a pas les moyens de payer la facture alors pendant un mois ou deux, nous sommes sans chauffage. Le professeur m'appelle et me demande de l'enlever. J'obéis, de toute façon, vu la chaleur ici, j'aurais fini par l'enlever de moi-même.

— J'adore ton pull Xander !

Je souris à ce compliment puis je regarde mon pull. Il est noir, tout simple. C'est vrai que je l'aime bien, je suis à l'aise dedans. Je remercie la brune, qui m'a fait ce compliment, par un sourire, elle se retourne tout de suite vers son amie pour lui annoncer la grande nouvelle. Mes camarades arrivent petit à petit. On me regarde de travers. La fameuse Kloé arrive. Elle aussi est surprise de me voir là, mais elle ne dit pas un mot. Je m'avance avec ma chaise, je m'attendais à une réflexion du genre « je ne suis pas aussi grosse que tu le penses pour t'avancer » mais c'est le silence complet. Elle s'assoit. Je n'ose pas la regarder, contrairement à tous les autres devant nous. J'entends des messes basses, on se demande pourquoi je suis à côté d'elle. La discrétion n'est vraiment pas leur fort.

— C'est le professeur qui lui a dit d'aller se mettre à côté d'elle.

Il répond à ma place, mon ami, enfin, ce n'est pas ce que j'aurais voulu dire. Peut-être que si, mais pas sur le même ton que lui. Il y a comme un soulagement pour les gens, comme si c'était tant mieux que ce ne soit pas moi qui ai choisi de me déplacer seul. La fille du compliment me fixe avec un regard désolé. Je baisse la tête.

MuetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant