Chapitre 3

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— Salut !

Rien, aucune réaction, même pas un lever de sourcil. Elle ne réagit pas à ce que je viens de lui dire. Alors, je recommence.

— Salut, moi c'est Xander, dis-je à voix basse.

Toujours rien, pas même son visage qui se tourne vers moi. Elle pourrait me dire un « pas besoin de me dire qui tu es, je le sais », mais non. Est-ce qu'elle est sourde ? C'est pour cela qu'elle ne réagit pas à ce que les gens disent quand elle passe à côté d'eux. Mais qu'est-ce qu'elle ferait ici ? On a besoin de bien entendre pour être au lycée sachant que rares sont les professeurs qui lisent leur diaporama. Non, ils aiment bien lire à toute vitesse leurs feuilles pour qu'on perde tous l'usage de nos poignets.

— T'es prête pour le contrôle ?

Toujours aucun mot pour moi. Elle ne me porte aucune attention. C'est peine perdue. Je devrais me concentrer sur autre chose. Quand je lève la tête, le professeur distribue les copies. Certains regards des autres se dirigent vers moi, comme si j'avais parlé trop fort. Du coin de l'œil je la regarde, elle remet une mèche de cheveux derrière son oreille, cela découvre un peu son visage. Je vois ses joues rondes, son nez et ses lèvres. Je porte mon regard à ses yeux. Je n'arrive pas à savoir de quelle couleur ils sont. Noirs ? Comme son cœur a l'air de l'être ? Non, je la vois bien avec de jolis yeux bleus, une brune aux yeux bleus, c'est joli non ? La main du professeur qui se pose sur la table pour nous laisser nos copies me perturbe. Je lève la tête vers lui et le remercie. C'est juste par politesse, car je dois avouer que je ne comprends pas pourquoi on dit merci quand on nous donne une feuille de contrôle. Après tout, on va droit dans le mur certaines fois. Je rapproche nos tables pour qu'elles se collent, pour faire glisser sa copie vers elle. Le choc des tables fait retourner le professeur vers nous. J'ai un sourire niais pour m'excuser du bruit occasionné. Elle ne me remercie pas. J'attrape ma feuille, la retourne pour voir le sujet. Tout de suite, je réfléchis aux formules, tout de suite, je les écris sur ma feuille de brouillon. Autour de moi, il n'y a plus aucun bruit. Je détourne le regard vers mon ami qui s'écroule sur sa feuille. Tente-t-il de faire croire à un malaise ? Quand personne ne bouge pour le secourir, il pose sa tête dans sa main et gribouille avec son stylo sur sa feuille de brouillon. Je ris à le voir faire.

Elle souffle à côté de moi. Je relève la tête. C'est le premier signe de vie qu'elle me montre. Je pensais qu'elle était un robot. Je louche sur sa feuille, elle est encore à l'exercice un alors qu'il ne reste qu'une vingtaine de minutes. Personnellement, j'ai presque fini, il suffit que je réponde à la dernière question et je pourrai rendre ma copie. Je la vois qui referme sa copie double et qui abandonne. Je prends ma feuille de brouillon et vite fait, j'écris les formules à utiliser pour chaque question. Je lui donne discrètement un coup de coude. Elle tourne légèrement le visage vers moi. Je fais glisser ma feuille vers elle. Je la vois qui regarde ce que j'ai écrit. Elle prend quelques notes et me rend ma feuille. Pendant ce temps-là, j'ai fini mon exercice. Je ferme ma copie double et me cale au fond de ma chaise. Je les regarde tous, un par un, il n'y en a pas beaucoup qui y arrive. On voit sur certains fronts des gouttes de sueur perler. Je récupère ma feuille de brouillon, il y a une écriture différente de la mienne, la sienne. Elle a écrit un « merci », bêtement, je souris avant de me rendre compte que mon comportement est suspect. Je plie la feuille et la range dans mon sac. Je ferme ma trousse et la fait glisser elle aussi dans mon cartable.

Je fixe le professeur jusqu'à ce qu'il sente quelque chose qui pèse sur lui. Il met quelques minutes pour que nos regards se croisent. Du bout des lèvres, je lui demande si je peux quitter la salle, il acquiesce par un hochement de la tête. Je me lève, fait grincer ma chaise sur le sol et dépose ma copie sur le bureau du professeur. Je ferme la porte derrière moi et attend que mon ami sorte. Je n'attends pas longtemps, quelques minutes après moi, il passe la porte. On dirait que c'est une délivrance pour lui de quitter cette salle.

— C'est sûr Xander, je déteste les maths !

— J'ai trouvé ça assez simple.

— Comment tu fais ? Sincèrement, explique moi. J'ai l'impression d'avoir passé un pacte avec le diable quand je lis les énoncés.

— Oublie ça, c'est fini, je te paie un café, dis-je en passant mon bras autour de ses épaules.

Pendant quelques secondes, j'ai cru qu'il allait fondre en larmes dans mes bras à cause d'un simple contrôle d'arithmétique. Après tout, cela fait des années qu'il n'y arrive pas dans cette matière, il devrait avoir l'habitude, les miracles ça n'existe pas, ou juste plus. On arrive aux machines à café, je plonge ma main dans ma poche pour en sortir des pièces. D'abord pour lui puis pour moi. Quand son café est prêt, je lui tends. Il me remercie et je me fais couler le mien. On s'assoit sur un banc du hall.

Rapidement, d'autres élèves de la classe viennent à nous, beaucoup me demandent ce que j'ai mis en réponse au contrôle, amusé, je leur réponds. C'est comme si j'étais une référence en mathématique. La plupart ont des têtes minées, bien sûr qu'on n'a pas les mêmes résultats, mais ce n'est pas pour autant que j'ai juste. Je réponds à leurs questions jusqu'à ce qu'une fille se plante devant moi.

— Tu lui as parlé ?

— À qui ?

— À la grosse !

— Oui.

— Elle t'a répondu ?

— Non.

— Elle est trop bizarre elle. Elle me fait peur quand même.

— Moi aussi. C'est bizarre qu'elle ne parle pas comme ça est-ce...

— Non mais moi je te parle de physiquement, elle me fait peur. Elle est grosse. Et t'as vu son visage ?

Je décide de ne plus lui répondre. Je ne la regarde même plus. Elle se met à me toucher le genou pour attirer mon attention. Je bois une gorgée de mon café et relève les yeux vers elle.

— Tu m'accompagnes au cinéma ce soir ?

— Je ne peux pas, désolé.

— D'habitude tu dis toujours oui !

— Je sais mais j'ai d'autres trucs à faire.

— Ah bon ?

— Laisse le, il préfère coucher avec un autre fille que toi, explique mon ami.

— Parce qu'elle se croit belle, elle, dis-je dans un murmure.

— Quoi ? Désolé je ne faisais pas attention à toi.

— Non rien, oublie. On devrait aller en cours non ?

— Ouais mon pote, allez go !

Ça se voit qu'il ne va pas en maths lui. Il frappe ma cuisse avant de se relever et il jette son gobelet comme un ballon de basket, sauf qu'il rate la poubelle.

— Tu n'as rien vu, hein Xander !

— T'inquiète pas, ça reste entre nous.

— Essaie toi !

Je souffle à nouveau. Je lance mon gobelet comme il vient de le faire sauf que moi, il rentre dans la poubelle. Il vient me prendre dans ses bras comme si j'avais marqué le but de la victoire. Je ris à ses agissements puis je le décale de moi pour qu'on aille à notre prochain cours.

MuetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant