Chapitre 5

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Je suis restée longtemps allongée par terre, là où il m'avait laissé. Il m'a dit tellement de choses cette fois... des choses que j'aurais voulu entendre par mon petit copain, enfin si j'en avais un. Des mots qui auraient pu me rendre heureuse si se n'était pas lui qui me les avaient dits. À chacun de ses mots je pleurais un peu plus encore, je me déchirait de l'intérieur, je sombrait dans les ténèbres.

"Que j'aime tes cheveux ma Charlie. Ils sont si beaux, si long. Ils te vont parfaitement au teint... C'est pour ça que je n'arrive pas à me contrôler, tu es si belle"

Il m'a dit ça juste avant de me battre, sans aucune raison selon moi. Ou juste parce qu'il aime mes cheveux. Ces cheveux blonds et gras. Je ne sais pas pourquoi il les aime tant.
Je décide enfin de me lever et vais m'assoir face à ma coiffeuse. Je me regarde attentivement. Il m'a fait un bleu sur la pommette gauche et je vois un énorme suçon dans mon cou. Quel horreur! Je regarde ensuite mes cheveux, une rage subite monte en moi, et sans même m'en rendre compte je commence à me tirer les cheveux le plus fort que je le peux. Je tire, j'arrache je me déchaîne. J'ouvre avec colère mon tiroir et en sort une paire de ciseaux et sans réfléchir je me coupe les cheveux. Je les coupe mal et vite comme si ils me faisaient mal. Je coupe encore et encore, je vois les mèches qui tombent et je me sens peu à peu mieux mais c'est pas pour autant que je m'arrête. Je coupe toujours plus de cheveux, toujours plus court. Je ne m'arrête que lorsque je me coupe l'oreille. Je me calme peu à peu, je pose les ciseaux sur la table et regarde le résultat de ma colère. Et bizarrement, ça me plaît. Ma nouvelle coupe de cheveux reflète bien ce que je suis, quelque chose d'informe. Je passe ma main dans mes cheveux et savoure ce nouveau toucher, on dirait les cheveux d'un bébé. Je me lève avec une confiance que je ne connaissait pas, je me sens capable de n'importe quoi. Je décide d'aller prendre une douche rapide pour pouvoir me pavaner un peu au parc.

Je me sens revivre, je me sens forte et libre. Attention à toi tonton Nat, la nouvelle Charlie est là, et crois moi, ça  va faire mal.

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Le week-end est passé très rapidement. Ma mère a été étonnée de voir ma coupe de cheveux le samedi matin mais n'a pas fait de commentaires. Elle a fait comme si ne rien était et m'a  raconté son rendez-vous. Apparemment elle s'entend à merveille avec ce Richard.

- Il est si gentil Charlie, c'est vraiment quelqu'un de bien. On a plein de point en commun, par exemple: il aime le jazz comme moi, il fait du yoga comme moi et il adore Grease! me raconte ma mère toute heureuse.
- C'est super maman, lui dis-je. À quelle heure est tu rentrée?
-Ah... fit elle tout à coup gênée. Je n'ai pas dormi ici ma puce... il était tard quand nous sommes sorti du restaurant et il n'avait plus de train alors j'ai passé la nuit chez lui... Ne me regarde pas comme ça enfin!

Je pouffe de rire. On peut dire que ma mère sait se qu'elle veut et sait aussi comment l'obtenir!
Je vais pour manger ma fameuse pomme du matin quand ma mère m'interpelle.

- Et ta soirée avec ton oncle? Elle c'est bien passée?

Je me stoppe net dans mon élan. Ma main reste au dessus du panier de fruit sans savoir vraiment quoi faire.

- Oui, dis-je sans aucune émotion.

Ma mère ne semble pas remarquer mon changement de comportement et commence à me parler de ses patients à l'hôpital. Mais je n'écoute déjà plus. Cette question m'a fait revivre cette nuit. Malgré mon changement de tête et mon assurance subite, je ne peux pas mettre ma mère dans la confidence. Je ne VEUX pas. Elle pourrai penser que ce qu'il m'arrive est de ça faute, elle s'en voudra longtemps peut être jusqu'à la mort et je ne veux pas lui faire subir ça. Elle a déjà assez souffert avec la mort de mon père. Ou sinon elle pourrai se dire que c'est de ma faute, que si mon oncle me viole c'est parce que je suis arrogante, que je le chauffe avec mes jeans moulant... Je ne sais vraiment pas comment elle peut réagir. Et je n'ai personne d'autre dans ma vie à part elle, je ne peux me confier à personne. Je n'ai pas d'amis, pas de famille. Alors je me tais et je supporte.  Qui sait, un jour j'arriverai sûrement à parler et à dire au monde ce que j'ai vécu, je raconterai mes années de suffrance et je luterai pour aider les femmes et les jeunes filles qui vivent la même chose que moi. Je deviendrai l'aide dont je rêve tant d'avoir.

C'est sur cette pensée pleine de confiance que je monte dans ma chambre.

Animal nocturneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant