Je ne les vois plus.

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Je ne savais pas vraiment ce que je devais faire , on sait jamais vraiment ce que l'on doit faire .
J'avais envie à la fois de faire tanguer les étoiles et de conspirer , de traverser , de transcender l'univers pour deux prunelles sombres aux nuances d'ébène .
J'avais envie d'éclater , de me heurter aux murs , de bombarder les avenues , mais aussi de me calmer , de danser au rythme d'un gloussement , d'un soupir , d'un silence qui faisait écho à ma pensée .
Je voulais le monde , et la mort aussi , j'avais envie de vivre pour deux , pour toi , mais aussi de vivre pour tout ces moments passés , ces occasions manquées , ces instants insaisissables .
Je voulais vivre ce qui m'avait échappé , je voulais dire ce qui n'a jamais voulu franchir le seuil de mes lèvres , je voulais mourir dans le souvenir de tes soupirs , je voulais atteindre l'amnistie d'avoir aimé un être beaucoup trop libre de penser .
J'avais envie de cloîtrer mes poumons de cet air que l'on se partageait .
J'avais envie de vendre aux passants maladroits , des mots qui ne veulent plus rien dire pour moi . Des mots passés , des mots qui n'existent plus , des mots qui perdirent leur sens en te voyant .
J'avais envie d'expédier loin de mon ouïe , ce « tic tac » permanent qui embrumait mes pensées . Ces voix qui me demandaient d'arrêter de regarder .
Regarder. Tout commence par un regard .
Et voilà ce que je voulais . Cesser de regarder . Je ne voulais plus voir les fleurs de ce beau monde , les étoiles de ces nuits passées à maudire leur courte durée , je ne voulais plus voir les aubes aux couleurs d'un rire d'enfant , les musées , l'art , les écrits les paroles . Je ne voulais plus regarder , admirer , m'imprégner de ce qui me rapportait à ce souvenir de toi si tristement constitué .
Je n'avais plus peur de l'éphémère , mais de l'ordinaire .
N'avons-nous pas peur du fade et du limpide que dégagent les gens après avoir été suffisamment ébloui par quelqu'un seulement ?
Je voulais conquérir le monde de mes mots modestes et tangibles , au goût de l'existence et de la liberté. Mais mes mots fussent vides , malhonnêtes et dépourvus de sens lorsqu'il franchirent le seuil de tes lèvres .
Tout ce que tu prononçais prenait vie à nouveau , mais concrètement , je sentais que je mourrais à chaque fois un petit peu , lorsque tu m'appelais par mon prénom.
La flamme vive et les étincelles font place aux rancoeurs et débordements d'amertume.
L'échec n'a pas de goût , et pourtant , ça vous coupe l'appétit .
Je voulais faire tanguer les étoiles , mais les étoiles , je ne les vois plus .

Brèves parolesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant