Paradoxe

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Ce n'est pas le cœur qui bat,

mais la ville toute entière,

moi avec elle.


La chaleur des néons lumineux qui coloraient les rues commençait déjà à s'infiltrer entre les couvertures sous lesquelles j'étais enfouie. Mon corps, par instinct, s'éveillait. Les Responsables de Paradoxe avaient si précisément réglé les heures de changement des températures que mes membres fonctionnaient maintenant au gré des degrés.

Je n'avais plus eu besoin de réveil matin depuis des lustres et il n'y avait aucune utilité au soleil lorsque la technologie était tellement avancée.


Les particules de poussières avaient certainement dansé

Alors que l'air s'était éparpillé;

Balancement de mes paupières fatiguées.


Après avoir bâillé paresseusement, j'envoyai mes jambes valser sur le côté du lit afin que mes orteils caressent le sol. Ce dernier n'avait pas eu le temps de se réchauffer tout à fait et je regrettai furtivement d'avoir adopté la tendance des sols de ciment. C'était joli, certes, mais nullement approprié pour les frileux tels que moi.

Un bip continu dans l'autre pièce m'indiquait, comme à tous les matins, que ma tisane énergisante était prête mais mon regard ne démordait pas de sa contemplation de l'extérieur. Je voyais, à travers le mur vitré, les lumières qui s'allumaient un peu partout, telles des lucioles parmi l'arc-en-ciel qu'était la ville de Paradoxe.

Les rues s'emplissaient tranquillement de sons. Les premières commodités de transport démarraient, les animaux sortaient faire leurs promenades, dirigées par le Réseau localisateur. Leur laisse pendouillait au pôle de métal haut d'un mètre qui les laissait parfois s'arrêter pour renifler les odeurs endormies des jours passés.

Quelques jappements résonnaient déjà dans l'air brumeux du matin lorsque je m'étais arrachée à ma contemplation.

Me chaussant de bas de laine, je me dirigeai vers l'autre pièce de mon appartement, celle qui contenait un réfrigérateur ainsi qu'une série de tablettes tenues entre elles par de jolis fils métalliques que j'avais pendus au plafond. Sur ces dernières reposaient les quelques éléments de vaisselle qui m'appartenait.

Je me penchai au-dessus de l'évier de cuisine pour entrer ma commande du petit-déjeuner sur l'écran mural et payer mon repas d'un seul et même geste. J'avais, comme presque tous les habitants de Paradoxe, renoncé à préparer mes repas moi-même depuis plusieurs années. Il était plus économique et plus simple de se faire livrer la nourriture par les tubes d'envois.

Ceux-ci permettaient à l'origine de poster instantanément des lettres ou des colis de taille moindre d'un bout à l'autre de la cité, mais le réseau de tubes s'était vu assez rapidement transformé en un service de livraison pour la restauration. Il était aujourd'hui possible de payer à distance et de manger presque immédiatement après. Il existait tellement de cafés, de restaurants, de pubs et autres dans Paradoxe que faire des choix avait été pour moi un vrai défi. Avec le temps, j'avais appris quels restaurants je préférais et les avaient ajoutés à ma liste de favoris.

Alors que je sirotais ma tisane énergisante, assise à l'unique tabouret qui meublait la cuisine, le tube à droite de l'écran mural, celui qui permettait de recevoir la marchandise chez soi, s'était mis à bourdonner doucement. J'avais ouvert la trappe avec empressement, sentant mon ventre faire des siennes.

Paradoxe: la ville-bâtisse | ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant