Rubber Soul des Beatles embrasseamoureusement le tourne-disque du living-room, lui, se préparedepuis déjà au moins une bonne et passionnante heure, une heurequ'il passa à s'aimer comme il ose rarement le faire, à se trouverdes qualités au lieu de raisons valables pour écouter son soufflese couper brutalement quand il arrivera sur le sol, trois étagesplus bas. Malgré son utilisation sinistre, la salle de bain baignéed'une unique lumière jaunie et blanche, offre un vrai sens de ladécoration et du design de part son remarquable agencement, tout enpraticité, tout cela uni dans un espace assez confiné mais tout demême charmant, les jours d'étés. L'hiver déchire le vent et lefait crier de désespoir entre les lames du volet. L'appartement ensubit les conséquences, la lumière qui le pénétrait jadis n'estplus qu'un triste amas de noirceur grisâtre s'éclaircissant lemidi, une heure où l'on peut espérer un changement subite decomportement, avant de sombrer pleinement dans les ténèbres lesplus pures. Ce soir, il sort, comme à peu près chaque soir depuisqu'il connaît par cœur les numéros de son digicode, qu'il connaîtl'adresse exacte de son disquaire et qu'il a réussi à se concocterun trajet parfait entre cette adresse et celle où il achète de quoitenir en ces jours pluvieux : DVD, vêtements, nourriture,livres, beaucoup de livres. Ils les rangent méthodiquement, sur lacheminée, dans le désordre le plus ordonné possible. Depuis peu ildispose des néons autour de cette vitrine à ciel ouvert de ce quile touche le plus, en ce moment, toute sa vie en réalité. Lediamant épuisé signe la mort de son vinyle, le son se coupe, laplatine crépite. C'est fini. Il doit sortir affronter le blizzard,ses griffes, ses lèvres, ses stratégies sadiques. Ses lunettesembuées sont les premières à fléchir sous l'implacable cruautéde ce froid parisien. Il ajuste ses pieds dans ses chaussures noiresà traits blancs, remonte son jean délavé, accueille une penséequi le fait exploser de l'intérieur. Le cataclysme. Il est parcourud'ondes sismiques incroyables. Un sonar ébauche des pulsationsblanches dans son abyssale noirceur sentimentale. Ses oreillesjouissent. Une voix de barryton vient lui déchirer lentement lecœur. Les synthétiseurs ne cessent de l'emmener dans des plaines detranse absolue. Il est temps de céder aux plaisirs inconnus.