L'attente dramatique dans un salon gisant sous le regard désertique de néons oranges. La lenteur des rues qui fourmillent, la braise d'un hiver glacial. Des cigarettes jetées dans un vide abyssal au confins bitumés, les lèvres s'effaçant sous le châle fin de la nuit enfumée. Le tourne-disque crachant ses dernières forces pour donner la parole à un 45 tours déjà trop dégradé. Puis viennent les souffles. Les tourments d'un soir exactement comme les soirs qui ont précédés et comme ceux qui suivront. L'attente de l'extraordinaire dans le corps putréfié d'un schéma d'existence, la complaisance dans le retard. La naissance forcée, l'explosion banale. Des semelles extirpent au parquet châtain des cris de douleur rauques. Des soupirs de lassitude, encore une cigarette, la serrure frappant de plein fouet les gonds métalliques de la porte de l'appartement. L'escalier support des courses infernales. Le hall d'entrée et son carrelage au bruits de verre. La porte cochère grinçant à l'aller, où les bagues scintillantes forment sur les phalanges une torche flamboyante, grinçant au retour, où le hall disparaît dans une âpre teinte brune. Les roues, les senteurs, les klaxons, les accélérations, les dialogues, les disputes, les feux rouges, les talons, encore une cigarette, pas encore allumée. Quelque pas sur des pavés usés aux mauvaises capacités de résonance. La nuit se tient à distance, les besoins d'existence du dehors tiennent la ville en insomnie pendant des nuits entières. Tout est transporté et projeté avec fracas contre l'âme. Ses yeux captent les néons défaits grésillant leurs dernières ressources, s'éteignant dans la nuit orangée. La porte cochère grinçant à l'aller et au retour. Les escaliers comme lien tacite des passions nocturnes. L'obscurité et le jour en parfaite symbiose. Une, puis deux cigarettes. Des lèvres différentes. La serrure caresse les gonds de la porte boisée. Le tourne-disque fonctionne à plein régime et hurle tout ce qu'il peut. Quatre semelles sur le parquet, la fumée invite les lumières de l'appartement à se joindre à elle. Puis tout s'éteint. Puis viennent les souffles.