Victor HUGO (1802-1885)
Puisque nos heures sont remplies
De trouble et de calamités ;
Puisque les choses que tu lies
Se détachent de tous côtés ;Puisque nos pères et nos mères
Sont allés où nous irons tous,
Puisque des enfants, têtes chères,
Se sont endormis avant nous ;Puisque la terre où tu t'inclines
Et que tu mouilles de tes pleurs,
A déjà toutes nos racines
Et quelques-unes de nos fleurs ;Puisqu'à la voix de ceux qu'on aime
Ceux qu'on aima mêlent leurs voix ;
Puisque nos illusions même
Sont pleines d'ombres d'autrefois ;Puisqu'à l'heure où l'on boit l'extase
On sent la douleur déborder,
Puisque la vie est comme un vase
Qu'on ne peut emplir ni vider ;Puisqu'à mesure qu'on avance
Dans plus d'ombre on se sent flotter ;
Puisque la menteuse espérance
N'a plus de conte à nous conter ;Puisque le cadran, quand il sonne,
Ne nous promet rien pour demain,
Puisqu'on ne connaît plus personne
De ceux qui vont dans le chemin,Mets ton esprit hors de ce monde !
Mets ton rêve ailleurs qu'ici-bas !
Ta perle n'est pas dans notre onde !
Ton sentier n'est point sous nos pas !Quand la nuit n'est pas étoilée,
Viens te bercer aux flots des mers ;
Comme la mort elle est voilée,
Comme la vie ils sont amers.L'ombre et l'abîme ont un mystère
Que nul mortel ne pénétra ;
C'est Dieu qui leur dit de se taire
Jusqu'au jour où tout parlera !D'autres yeux de ces flots sans nombre
Ont vainement cherché le fond ;
D'autres yeux se sont emplis d'ombre
A contempler ce ciel profond !Toi, demande au monde nocturne
De la paix pour ton coeur désert !
Demande une goutte à cette urne !
Demande un chant à ce concert !Plane au-dessus des autres femmes,
Et laisse errer tes yeux si beaux
Entre le ciel où sont les âmes
Et la terre où sont les tombeaux !
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Poèmes
PuisiUn petit recueil de jolis mots, de petites phrases et de grands poèmes. Des poésies d'antan et des textes de maintenant. #558 dans Poésie