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La salle du trône et Alexander se trouvaient dans mon dos

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La salle du trône et Alexander se trouvaient dans mon dos. Je les avais quittés dès que Seth m'avait annoncé la nouvelle: les médecins avaient leur réponse. Ils allaient finalement pouvoir déterminer si Osiris se réveillerait.

Seth m'avait dépassé. Il avait à peine laisser le temps à la nouvelle de résonner dans la salle avant de tourner les talons pour revenir sur ses pas, trop anxieux de rater le jugement des médecins.

J'avais voulu immédiatement m'élancer à sa suite mais je m'étais retenue et avançai alors d'un pas majestueux. Je ne voulais pas me précipiter vers les médecins. J'avais attendu cette réponse avec tant d'impatience mais à cet instant, je ne voulais plus l'entendre.

Avais-je peur? Je tremblais d'effroi.

Je progressai dans les couloirs, mon costume blanc rayonnant dans une atmosphère qui semblait s'assombrir à chaque pas. Je voulais simplement que tout cela s'arrête. Les tensions, les problèmes, les lourdes tâches, les responsabilités. Je voulais simplement qu'on y mette un terme. Je priais néanmoins pour que cette fin soit bonne. Je suppliais tout être céleste vers lequel je sus me tourner dans ma prière muette de m'offrir enfin un repos paisible, un repos dans le soulagement de n'avoir rien perdu. Rien ou personne.

J'avais enfin rejoint la chambre d'Osiris devant laquelle toute la famille royale se tenait dans l'attente, les nerfs à vifs. Serena et Estéban se tenaient les mains et semblaient incapable de prononcer ne serait-ce qu'un mot. Isis s'était réfugiée dans les bras de Seth, la tête enfouie dans son cou.

Que lui avait-on dit à elle? "Ton frère a été blessé"? "Il dort mais pourrait ne jamais se réveiller"? Lui avait-on vraiment proposé cette éventualité? Qu'il ne se réveille pas? J'espérais uniquement que ce ne serait pas aux médecins d'accomplir cette tâche...

-Od...

La faible voix d'Isis trahissait la peur que nous tentions tous de dissimuler.

-Oui, ma princesse? m'enquis-je.

Je retins mon souffle. "Ma princesse". C'est Osiris qui l'appelait ainsi.

-Est-ce qu'Osiris va se réveiller? me demanda-t-elle d'une voix suppliante.

Apparemment la lourde tâche me revenait à moi. J'échangeai un bref regard avec Seth.

-Bien sûr qu'il se réveillera, mon coeur.

Je n'étais pas d'humeur à la décevoir. Pas avant que ce ne soit nécessaire...

Le médecin sortit de la chambre en se triturant les doigts. On décelait la nervosité et l'inquiétude dans son expression qu'il tentait de garder aussi professionnelle que possible.

-Mon fils?

Estéban alla droit au but. Le docteur aussi:

-Il ne se réveillera pas.

Non.

-NON!

Je me jetai vers la porte, écartai le médecin d'un coup de coude et pénétrai avec fracas dans la chambre.

-Osiris!

Je m'abattis sur le lit et sur son corps inerte. J'agrippai ses épaules et me cramponnai à lui. Mes ongles s'enfoncèrent dans sa peau à travers le fin tissu de sa robe médicale. Je ne le lâcherai pas. Où qu'il aille, je ne le lâcherai pas.

-Princesse...

Une main se posa sur mon épaule d'un geste doux. Mais à cet instant, tout me semblait hostile. Je feulai en sanglotant, voulant repousser l'homme malveillant.

-Votre Altesse...

Je pressai Osiris plus fort, priant pour que la moindre once de chaleur me réponde. Mes pleurs se deversèrent dans ses cheveux blonds que je voyais, dans ma mémoire, scintiller, formant un halo lumineux autour de son visage.

La poignée déjà hostile sur mon bras se resserra encore, tiraillant légèrement vers la sortie.

J'enlaçai Osiris, resserrant mon étau désespéré autour de ses épaules. Je ne le lâcherai pas. J'avais l'impression d'entendre son coeur se gonfler avant de battre et d'insufler à nouveau la vie dans son corps froid. Il lui manquait un simple battement pour renaître.

L'homme qui me tenait décida d'en finir car il m'attrapa de ses deux mains et tira.

Mais je m'étais accrochée à Osiris si fort qu'il faudrait plus d'un essai pour m'enlever à lui. Je m'étais collée à son corps, presque devenant moi-même une part de la masse inerte. Tous le considéraient ainsi: une masse, un corps. Mais je voyais encore Osiris en lui, celui qui enroulerait ses bras autour de moi pour empêcher qu'on m'enlève à lui.

Un autre homme vint à l'aide du premier et s'attaqua à mes mains, tentant de défaire l'étreinte qui me liait à Osiris.

-Lachez-moi! criai-je.

Mais seul un cri vibrant retentit dans ma gorge.

Mes bras furent détachés du corps auprès duquel je voulais tant m'allonger et ne jamais le quitter. Les deux hommes me soulèverent difficilement alors que je battai des bras et des jambes, ripostant de toute manière imaginable.

Je me pressai à nouveau autant que possible contre Osiris, caressant une dernière fois son visage. Les gestes de mes opposants se firent brusques et impatients. Ils me cueillirent du corps et me tirèrent vers la sortie.

-NOOOON!

Je me laissai tomber et glisser à terre, rendant la tâche plus compliquée. Je tentai de m'accrocher au lit, revenir, rattraper Osiris. Sa main dépassait de sous la couverture, comme attendant d'être saisie.

Je hurlai, laissant tout mon désespoir exploser dans ma poitrine. Les hommes me saisirent fermement, me tirant alors que je glissai à moitié sur le sol, le corps tendu dans la direction opposée. Mes pieds battaient désespérément dans le vide et je n'en finissais de geindre et d'hurler.

-Lâchez-la immédiatement!

Les poignes de fer disparurent et je me laissai choir à terre, vidée de toute force vitale. D'autres mains les remplacèrent, plus douces, plus aimantes.

-Od...

Alexander me releva délicatement, juste assez pour poser mon corps sur ses genoux. Je n'avais plus la force. Mon corps avait tout donné, tout. Sauf les larmes qu'il avait retenues si longtemps. Alors il les laissait dévaler mes joues en flots. Mes hoquets et mes tremblements suffirent pour retenir mes cris.

Mais plus Alexander me collait à lui en caressant mes cheveux et murmurant des mots apaisants, plus je désirais que ce soit Osiris qui me tienne à sa place. Et je cédai. Mes plaintes déchirèrent l'air et se répercutèrent violemment sur les murs comme les vagues d'une mer déchaînée. Je criais son nom, je criais mon désespoir. Peu importait tant que je criais. Car il fallait bien que d'une manière ou d'une autre, le monde sache qu'il était injuste et cruel.

Alors j'hurlai jusqu'à perdre ma voix, je pleurai jusqu'à perdre la vue, je ne bougeai plus jusqu'à perdre espoir.

-Od.

Je reconnus cette voix.

CondamnéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant