Des Pas Dans La Neige

3.

Je ne sais pas pourquoi, cette nouvelle, pourtant... choquante, ne me fit aucun effet. Je restais impassible. Après tout, à la seconde où mes yeux humides s'étaient posés sur le cadavre, j'avais su qu'il ne s'agissait pas d'un suicide.

Je ne dis aucun mot, me surprenant moi même de ce calme. Ne voyant aucune réaction de ma part, l'inspecteur Cooper reprit la parole, assisté de l'inspecteur Stanley. Evidemment, ils me considéraient tous les deux comme une éventuelle coupable. Par conséquent, chaque mot que je leur disais était soigneusement choisi, afin d'éviter toute ambiguïté.

Réaction étrange alors que rien ne menaçait ma conscience.  Mais... le fait d'être suspecté vous fait ressentir de la culpabilité et, vous essayez de cacher un crime fantôme, vous rendant, évidemment, encore plus suspect.

L'interrogatoire dura une heure et demie environ. Ils me posèrent diverses questions, les unes précises, les autres vagues. Pour la plupart, je n'avais aucune réponse. Comment étais-je sensée savoir si quelqu'un menaçait James où s'il avait de mauvaises fréquentations?

Certes, il s'agissait de mon meilleur ami, mais il n'en restait pas moins discret et, je respectais son souhait de garder ses problèmes pour lui.

Cela fait deux ans que je vis seule, dans un petit appartement. Petit, mais douillet, je m'y plais bien et j'ai été engagée, il y a peu, dans une boulangerie de bonne renommée sur le coin de "Madison Street" à Chicago.
Je suis parvenue à établir une relation de confiance avec les clients habituels. Cela me permet de payer mon loyer ainsi que de m'octroyer quelques extras.

Je n'appris rien de plus, comme je l'ai dit, ils me considéraient comme suspecte alors, ils n'allaient pas me faire parvenir les détails les plus sordides, qui auraient pourtant été bien utiles pour mener ma propre enquête.

Après cela, j'étais assommée par la dose de morphine qui n'avait cessé de couler dans mes veines durant la journée et la fatigue m'emporta...
Je dormis très mal... La poche de morphine s'étant vidée au cours de la nuit, j'étais de nouveau aux aguets, me réveillant à tout bout de champ par ce "bip, bip" incessant et les allées et venues des infirmières.
Je ne réussis à fermer l'oeil que quelques heures.

Lorsque je me réveillai, Ashley, mon amie, était assise sur la petite chaise destinée aux visiteurs, attendant patiemment mon réveil. Me voyant émerger de mon sommeil, elle m'adressa un grand sourire qui me réchauffa le coeur et fit remonter un flux de souvenir.
Je me rappelai le premier jour où je l'avais rencontrée.

C'était l'hiver dernier...
Petite et toute fine, ses cheveux ébènes étaient attachés en chignon décoiffé. Des larmes coulaient de ses yeux aux reflets dorés le long de son visage fatigué, laissant derrière elles des traînées de mascara.
Ashley était recroquevillée sur le sol, dans le hall de l'immeuble.
Touchée par cette tristesse, je lui avais demandé ce qui n'allait pas. Elle m'avait expliqué les malheurs, les mauvais choix qui l'avaient conduits là.
Ses dettes et ses mauvaises fréquentations avaient engendré la perte de son appartement et, maintenant, elle n'avait même plus de quoi se payer à manger. Elle était restée deux mois, dehors à faire la manche et à se contenter des quelques pièces de personnes généreuses.
Ashley avait cherché un peu de chaleur dans ce misérable hall et, attendrie, je lui avais offert l'hospitalité. Nous avions été colocataires durant quelques mois, le temps qu'elle se remette d'aplomb.
Et ensuite, elle avait loué l'appartement voisin.

Voilà comment j'avais rencontré ma meilleure amie. Depuis cette péripétie, nous savions que nous étions là l'une pour l'autre.
Les problèmes de coeur, d'argent où de boulot se réglaient ensemble. Nous dévorions parfois de la crème glacée devant un feuilleton, accompagnées de Nora et Kelly.