Chapitre 1

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Je roule sous une chaleur étouffante, cela fait déjà quatre heures et ma playlist a déjà fait deux fois le tour. Je ne supporte plus ces chansons. Je suis de mauvaise humeur, car je roule vers une destination inconnue. Bien sûr, je connais l'adresse que j'ai d'ailleurs rentrée dans mon GPS, mais je ne sais absolument pas à quoi ressemble la ferme où je suis obligée de me rendre et ça m'angoisse. Je sais bien que je mérite ce qu'il m'arrive et que je dois payer ma dette à la société...

Il y a quelques mois, j'ai été chopée avec quelques barrettes de shit. Je sais, la drogue, c'est tabou, mais c'est devenu un besoin vital, au risque de faire encore une fois une bêtise...
Je suis tombée dedans assez jeune. À quatorze ans, je tirais sur mon premier joint, dans la cave d'un bâtiment de ma cité. Il était tard et je venais de fuir la baraque, ma mère était encore saoule, pour ne pas changer... Je la voyais de moins en moins sobre. Elle n'a pas toujours été comme ça. Je me rappelle de ma petite enfance, où le soleil illuminait nos vies, j'étais la princesse de mes parents, ils m'aimaient d'un amour inconditionnel, j'étais plus que gâtée et nous étions à l'époque une famille comblée, heureuse... Une famille qui ressemblait à celles que l'on voit dans les films ou séries américaines ; jusqu'à ce qu'un matin d'hiver, le téléphone annonce à ma mère que son cher et tendre mari ne rentrerait jamais de mission. Il avait été tué après avoir marché sur une mine dans un pays reculé d'Afrique.
Depuis, ma mère a complètement abandonné son rôle, se noyant petit à petit dans l'alcool, pour apaiser le chagrin, oubliant également sa propre fille. Alors depuis, je survis de petits trafics, je n'en suis pas spécialement
fière, mais c'est plus facile... Les dettes se sont accumulées depuis la mort de
mon père, ma mère dépensant tout notre fric dans Jack Daniel et moi le
gagnant grâce a Marie Jeanne...

J'ai mal aux jambes et la fatigue se fait ressentir. J'ai eu du mal à dormir
cette nuit. Je n'étais pas très rassurée de devoir abandonner ma mère. La
juge avait été clémente, sûrement touchée par l'explication de ma misérable vie que lui avait servie mon avocate commise d'office. Le jour de ma condamnation, je n'avais pas fait la maligne, de toute façon, j'étais arrivée totalement résignée à être enfermée quelques mois derrière les barreaux. Seulement, Mme la juge, avait décidé de m'envoyer dans une ferme de la Normandie profonde pour y faire quatre-vingt quatorze jours de travaux d'intérêts généraux. Je n'avais pas protesté, déjà bien heureuse de garder ma liberté.
Je décide de m'arrêter quelques minutes pour me dégourdir et boire un café, je suis également "addicte" à cette boisson qui garde éveillé.
L'aire de repos m'annonce déjà la couleur, partout ou se pose mes yeux, des objets à l'effigie de la région m'agressent. Des vaches à perte de vue, mugs, sets de table... Je ne m'attarde pas et me dirige vers les machines à café. Je me décide pour une boisson ultra- gourmande, avec crème et copeaux de chocolats sur le dessus. Je suis fine, mais malgré tout, je ne me refuse aucune gourmandise, je mange comme quatre. Le fait que je ne grossisse pas est sûrement dû à mon addiction pour la fumette, j'en ai bien conscience. Les choses vont sûrement changer, car la juge m'a donné l'obligation d'arrêter avec des prises de sang à effectuer pour contrôler ma consommation et prouver ma bonne foi... Connerie ! Elle ne sait pas à quel point j'en ai besoin, et ne se rend pas compte que Marie-jeanne est devenue ma meilleure amie depuis maintenant plus de 10 ans et qu'il va m'être impossible d'arrêter comme ça, du jour au lendemain. Je trouverai
un moyen de contourner le système et de gruger tout le monde.

Après avoir acheté un paquet de clopes, je me dirige vers les tables
extérieures à proximité de ma voiture. Le café est brûlant, je décide donc de le poser à mes côtés et de me griller une clope en attendant. Je regarde les gens passer ; parmi eux, des familles souriantes, les parents s'occupant de leurs enfants, blaguant avec eux... J'ai ce sentiment amer qui me remonte dans la gorge, cette jalousie, qui me bouffe de l'intérieur... Le besoin de fumer plus que du tabac et de faire disparaître tout sentiment se fait urgent. Mais je ne peux pas, pas maintenant... Je conduis et il me reste encore une heure de route en prenant mon temps, en tout cas, c'est ce que le GPS m'indique. Je me demande bien chez qui je vais devoir vivre pendant trois longs et interminables mois. Je prie seulement pour ne pas tomber dans une famille aimante, avec de jeunes enfants. Je ne pourrais pas supporter ce trop-plein d'amour que je fuis maintenant depuis de longues années. Je me connais, je risque de tout envoyer péter, et de revenir dans mon 95 natal afin d' y purger
une peine de prison pour ne pas avoir respecté les conditions.

FARMING LOVE De Emilie C.HOù les histoires vivent. Découvrez maintenant