Running Out of Time - Tome I [SOUS CONTRAT D'ÉDITION-ÉDITION ALTER REAL]

Chapitre 5: Une combattante

Après ceci, nous chevauchâmes plusieurs heures dans les bois, le soleil ayant été remplacé par une pluie battante et glaciale, sans que je sache réellement où nous étions. Un silence de plomb s'était installé, si ce n'est quelques bribes de mots échangés entre les hommes en gaélique. J'en comprenais qu'une partie, mais décidai de ne rien dire afin de ne pas envenimer la situation. Il serait mal venu de ma part si je commençais à me mêler de leurs histoires et, entre nous, je voulais surtout trouver un moyen pour comprendre ce qu'il se passait et retourner enfin chez moi. Ils se demandaient ce qu'ils allaient faire de moi, si m'emmener au château de leur seigneur était une sage décision... Encore complètement ébranlée par ce que j'avais vécu le matin, je ne prononçai aucun mot. Ma tête était aux abonnés absents, toujours en état de choc. Nous nous arrêtâmes en mi-journée pour manger un peu — un des Highlanders prépara une espèce de ragoût avec les quelques provisions qui lui restaient et un lièvre qu'un autre avait chassé — puis nous reprîmes la route, toujours dans une ambiance mi-silencieuse. Mes jambes, non habituées à chevaucher et encore moins durant autant de temps, commençaient à devenir douloureuses. Mais je gardai la bouche close, préférant ne rien dire plutôt que de me faire rembarrer par l'un de ces hommes, tous plus costauds les uns que les autres. De toute façon, je n'étais pas une mauviette.

Ce fut Liam qui me sortit du mutisme dans lequel je m'étais claquemurée.

— Au fait, vous connaissez mon nom, mais j'ignore le vôtre, c'est une inégalité que je ne saurai laisser, miss, me dit-il.

Je souris d'un air mystérieux, profitant d'être une inconnue pendant quelques secondes encore. Finalement, je me décidai à révéler mon identité.

— Je m'appelle Héléna, lui répondis-je sur un ton calme mais tendu.

— Eh bien, miss Héléna, que veniez-vous faire dans les alentours​ de Fort William ? Au vu de votre accent j'en déduis que vous n'êtes pas écossaise, et encore moins une sasannach, demanda le cavalier avec qui j'étais, sûr de lui.

Je me doutais que ma façon de parler allait à un moment donné me jouer des tours, surtout avec des personnes aussi perspicaces que l'était apparemment ce jeune Écossais. Il savait que je n'étais pas anglaise, puisqu'il venait de l'affirmer avec le mot gaélique. Malheureusement, il me piégeait plus que je ne le pensais. Je fus donc contrainte de lui dire plus ou moins la vérité.

— Je suis d'origine écossaise, mais j'ai vécu toute ma vie en France avec mes parents. Ils sont morts il y a peu, mon père à la guerre et ma mère de chagrin peu de temps après. Avant de décéder, celle-ci m'a fait promettre de retourner ici pour retrouver ma famille, fis-je en espérant qu'il me croit.

Un silence se réinstalla. Je frissonnai. Il fallait dire que je n'avais que mon pyjama sur moi et que la tension de l'action était passée. Mon cerveau se remettait péniblement en marche et le repas chaud commençait à être digéré. Le froid reprenait peu à peu ses droits sur mon corps fin. Le jeune homme dut le sentir puisqu'il passa son épais plaid en tartan bleu et noir en laine sur les épaules. Je me retrouvai donc le dos contre son torse à l'allure puissant, sa chaleur corporelle me réchauffant rapidement. Puis il reprit :

— Votre père est mort durant la guerre de succession d'Autriche ? me questionna-t-il brusquement.

Je me mis à réfléchir aussi vite que je le pouvais. Et ce, avec la plus grande hâte dont mon cerveau était capable. L'opposition entre les puissances européennes durant la succession d'Autriche avait eu lieu entre 1740/41 et 1748. Mon sang se glaça dans mes veines. J'avais bel et bien fait un voyage dans le temps... Je devais soit me trouver pendant cette période, soit légèrement après. Je décidai de ne rien dévoiler de plus et de faire très attention à tous les mots que j'allais pouvoir prononcer à l'avenir.