Chapitre 4

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Je me retourne dans mon lit pour la énième fois. Mon radioréveil affiche 2h du matin. J'enfouis mon visage dans mon oreiller et lâche un hurlement étouffé. Plusieurs jours se sont écoulés depuis le meurtre et chaque soir est un supplice pour s'endormir.

Je me lève et me dirige vers ma cuisine pour me servir un verre d'eau. En buvant distraitement, je pense à tous les interrogatoires de police auxquels on m'a convoquée. Chacun d'entre nous a du y passer, répondre pendant des heures à des questions interminables. Et on en sait toujours pas plus. Je n'ai pas contacté les autres depuis que je les ai laissés en plan à la cafétéria et hier, quand j'ai croisé Charlie à la sortie du commissariat alors que j'y entrai, il avait failli me dire quelque chose avant de se raviser.

Tant pis pour eux. Je compte bien mettre tout ça derrière moi et avancer. Mais malgré ces bonnes résolutions, cette histoire arrive tout de même à me tenir éveillée la nuit. Je ne peux pas m'empêcher de me demander qui était ce garçon qui s'est fait assassiner. Et pourquoi ? Plusieurs rumeurs courent autour d'un trafic de drogue mais je sens que ce n'est pas un simple règlement de compte. J'ai l'intuition qu'on est très loin de la vérité, sans pour autant pouvoir expliquer pourquoi.

*

Les jours passent. Cela fait maintenant deux semaines que le meurtre a eu lieu et que je suis devenue quasi insomniaque. L'atmosphère qui règne à Berklee n'aide pas : une sorte de climat malsain s'est installé, où tout le monde se regarde en coin et propage les rumeurs les plus loufoques. J'ai entendu une fille dire que le tueur était la réincarnation d'un compositeur qui assassinait tous ceux qui massacraient ses partitions.

Un soir après les cours, je me rends sur le campus sans trop savoir pourquoi. Je monte au dernier étage des chambres, dans ce bâtiment qui me donne des sueurs froides. Arrivée dans le couloir où a eu lieu la tragédie, je m'arrête devant une des portes. Je lève la main, hésite puis toque.

-Ouais ? Crie une voix depuis l'intérieur.

Je pousse la porte et entre. Charlie est accroupit par terre, en train d'essayer d'attraper quelque chose sous son lit. Quand il me voit il paraît d'abord surpris puis se relève et époussette son sweat.

-Salut, je dis en me balançant d'un pied sur l'autre.

Il hoche la tête et même si je ne sais pas ce que ça veut dire je referme la porte derrière moi et me laisse tomber sur son lit. Je regarde autour de moi. Sa chambre est tapissée de posters de Duke Ellington, Bud Powell et d'autres pianistes que je ne connais pas. Je baisse les yeux sur les cartons qui encombrent le chemin jusqu'à son bureau. Il suit le chemin de mon regard et s'éclaircit la gorge.

-On doit tous déménager à l'étage d'en bas.

Je cale mes mains sous mes cuisses pour les empêcher de bouger.

-Qu'est-ce que ça fait de dormir à côté d'une scène de crime ? Je m'enquiers.

Il attrape une pile de livres et la pose dans un carton.

-C'est glauque évidemment, il laisse passer un silence. Toi non plus t'arrives pas à trouver le sommeil ?

Je souris.

-Je vois pas de quoi tu parles.

Il rigole avant de reprendre son sérieux et de fermer un autre carton avec du scotch.

-Ton amie arrête pas de me harceler de messages.

-Mélina? Je dis, étonnée. Ce n'est pas mon amie.

-Oui enfin bref, elle est persuadée qu'il faut qu'on fasse quelque chose.

-Elle débloque.

Meurtres à BerkleeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant