Noir Désir - La couleur de la convoitise EN RÉÉCRITURE

Les oiseaux se cachent pour rêver

( Point de vue Jonathan )

Il n'y point de gouffres sans fond, tout comme il n'y a point de créatures célestes sans démons. En parallèle, il y'a assez de monstres, pour que l'humanité ne se souvienne un jour qu'il y 'a eu bonté. En cela, Jonathan Crawford dut admettre le coeur lourd de désolation que Ruby n'était ni enfant, ni femme. Un être tout droit sortit de quelconque songe aphrodisiaque. Une erreur parmi le mal impie qui rongeait chaque âme de ses terres idylliques. Il l'avait appelé perfide animal sous une colère suintante de dédain envers les sentiments étranges qu'elle éveillait en lui; elle avait dit de lui qu'il était maudit. Funèbre. Prisonnier d'un monde où il ne pouvait survivre quand détruisant autrui. 

N'étais-ce pas là, la description d'une bête ? Un monstre qui n'avait ni coeur, ni émotion ? N'avait-il ainsi jamais aimé ? N'avait-il jamais puni ou châtié plus qu'il ne le faudrait ? N'avait-il jamais fait de mal à quiconque sans une raison valable ? 

De ces petits yeux constellés de milles clarté, ne comprenait-elle pas qu'aucune camaraderie ne pouvait être un jour possible entre eux. Elle était l'objet qui avait fait de lui ce qu'il était aujourd'hui.

Elle l'était de l'autre rive, il était d'une autre nation. Une nation qui était supérieure... 

Étreignant davantage la mulâtre, il ne réalisa seulement à présent l'impact qu'avait eu ces mots. Ils avaient traversé l'air tel la pointe d'une flèche aiguisé, pour se loger douloureusement dans l'instrument qui lui insufflait la vie. Ils avaient effacé d'un épais nuage, toute colère ou sentiment haineux qui l'avait poussé à s'acharner sur elle. Précipitant alors, son coeur dans une tornade d'émotion sans pareille. 

Il avait alors vu en elle, la candeur de Aline. La force et le courage de Edna. L'innocence enfantine des jumeaux Thimoty et George. Bien étrange sentiment ! Percevoir tout cela chez ce jeune être qui c'était dit libre. Libre d'être heureuse malgré la sombre chaîne invisible qui lui liait pieds et mains. 

Il c'était alors rendu compte que même sous l'influence de l'ivresse, il avait donné la parole à la fureur de ces derniers jours. Il n'avait ni cherchait à connaître la raison de sa venue, ni chercher à l'écouter tout simplement. Il avait manqué de raisonnement... Lui qui avait tant songé à elle après l'incident, il n'avait suffi que d'un regard sur sa personne pour éveiller en lui une colère immense. Lui qui était d'ordinaire calme et réfléchi. 

Lui qui était d'ordinaire... l'homme qu'il était depuis l'incendie... Pourquoi n'arrivait-il pas à être indifférent sous le regard émeraude de l'enfant mulâtre. Pourquoi n'arrivait-il pas à se comporter comme à l'habituel ! Elle lui semblait familière autant qu'étrangère. Elle lui paraissait être inexorablement, le souvenir passé de sa propre famille. 

Rapprochant son visage des cheveux de la jeune fille, il se crut défaillir quand de singulière effluves de l'ylang, de vanille et de lavande s'emparèrent de son être. Sous l'envoûtement de ce curieux arôme, il ne put qu'en humecter davantage tant il pensa subitement, qu'il n'avait jamais senti d'aussi délicieux parfum. Étais-ce bien la fragrance d'une esclave, ou la fragrance d'une quelconque créature divine...

" Ruby... comme tu sens bon " Murmura t'il dans un souffle chaud. Lui, qui n'avait jamais retenu point pensées qu'elles soient anodines ou intimes, il se maudit de n'avoir pu retenir celle-ci. Elle avait frissonné sous ses bras et il admit avec embarras qu'il était allé trop loin...

Reculant brusquement comme sortant d'une mystérieuse torpeur. Il agrippa dans la confusion ses  épais cheveux blonds. Mon dieu... Que venait-il de dire... Non pire encore... Que venait-il de faire !

Jonathan bouleversé, ne put se résoudre à rester en place et c'est avec rapidité qu'il se mit à faire les cents pas. Le regard fuyant, il l'immobilisa brusquement sur la bouteille d'alcool vide jonchant le sol poussiéreux.