La décision : partie 2

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( Point de vue Omniscient )

L'air ne suffisait plus à Lazare pour reprendre ses esprits correctement. Dès l'instant où il avait franchi le seuil de la porte du bureau de maître Crawford, il s'était préparé inexorablement à de mauvaises nouvelles. Pourtant... parmi tous ses cauchemars, rien ne l'avait préparé à ce que venait de leur annoncer l'homme aux cheveux blonds.

Lazare avait dorénavant les jambes flageolantes et sous le regard de chacun il s'affaissa au sol lourdement. L'esclave n'avait plus la force de tenir debout, autant qu'il n'avait plus la force de penser intelligemment. La tristesse qui l'envahissait malgré lui était si brutale qu'il crut un instant que son âme venait de périr sous le choc. Ses oreilles sifflèrent bientôt et il n'entendit plus les éclats de voix environnant. 

Il n'y avait pour lui aucun doute. Son dieu l'avait abandonné lui et ses frères sur ces terres qui n'étaient pas les siennes. Ils étaient maudits. Ils étaient nés hommes, pour ne mourir que vil impureté. N'ayant ni droit d'aimer, ni droit de vivre... Ni droit de survivre...


( Point de vue Jonathan Crawford )  

 Ses mots avaient littéralement bouleversé les deux esclaves présents. Sous ses yeux Lazare c'était jeté au sol l'expression hagarde. Quand à Petit Jean, ses traits du visage s'étaient déformés en un rictus monstrueux. L'esclave cocher, poings serrés semblait se contenir contre toute attente.

" Vous voulez affranchir tous les enfants de Peembrook Field..." murmura piteusement Lazare corps mollement écroulé sur le parquet polis. 

Jonathan jeta un regard vide sur l'esclave tapis au sol, c'était bien là, la seule solution concevable pour éviter d'autant plus de drame. Elle était même, la seule conclusion... Le Crawford lassé, prit une grande respiration l'air dépité et répéta ces mots d'un ton sec espérant faire mouche chez les nègres dévastés.

" Je vais affranchir dès demain tous les esclaves de moins de seize ans. Réitéra l'homme à la barbe épaisse. Ils seront pris en charge par mon ami Charles ici présent, et bénéficieront d'un habitat sur s...

- Vous allez séparer des familles ! " s'exclama avec véhémence Petit Jean dont le regard noir fit se crisper Jonathan. Il y'avait dans l'œillade du géant, une fatidique lueur douloureuse qui arracha au Crawford toute forme de bonté. Un sentiment nouveau naquit au creux de son ventre, écrasant cruellement ses entrailles et la fatigue morale pesante depuis peu. 

Il ne voulait que leur bien ! Simplement et uniquement leur bien !

" D'après les événements passés..." assura Jonathan le bas du corps adossé au bureau joncher de registres. "Il est préférable de mettre hors d'atteinte tous les esclaves ayant un risque probable de se retrouver sous le jou... "

- "Il est préférable..." persifla Petit Jean. "Il est préférable... " répéta l'esclave tout en s'approchant dangereusement du Crawford l'air déformé par une soudaine exaspération.

Jonathan fronça les sourcils et se retrouva bientôt face à l'esclave qui mesurait deux têtes de plus que lui. L'amertume qu'il ressentait à son égard était si palpable que l'homme blond contracta la mâchoire, irritée. 

 "Suffit..." lâcha sombrement le maître de Peembrook Field les poings serrés à son tour. "Ne franchit pas la limite Petit Jean. Je n'admettrai pas que tu me coupe la parole encore une fois ! Quand à cette décision, elle ne se veut pas punitive envers vous, mais uniquement présente pour protéger les plus faibles. Je ne laisserai pas Alexander Rochel profiter d'un soudain élan de notoriété pour affermir ses sordides activités au sein de mon domaine... Je ne laisserai personne faire du mal à qui que ce soit sur mes terres sans que je n'en donne l'ordre !"

Noir Désir - La couleur de la convoitise EN RÉÉCRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant