L'Enfance Chapitre 4: D'Anna à Néva

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Néva, assise dans la neige contempla pour la première fois l'hiver. Une brise venant du nord faisait tourbillonner les gros flocons comme de petites ballerines. Le ciel bleu était envahi par d'immenses nuages gris cotonneux, procurant une semi-pénombre. Lors d'éclaircies, le jardin et les collines, recouvert d'un épais manteau blanc, étincelaient de mille feux faisant penser à de petits diamants. Les arbres eux, envahis d'une dentelle de givre étaient devenu de véritables sculptures de glace. Cela renvoyait de multiples reflets argentés. Il n'y avait aucune couleur, aucun signe de vie dans ce paysage mais elle l'aima par-dessus tout. Néva tomba amoureuse de l'hiver. Elle prit conscience que l'hiver ne l'obligeait pas à se cacher. Elle si confondait. Aucune lumière trop vive pour faire ressortir ses yeux transparents tachetés de rouge. Pas de couleur excessive qui tranche net avec sa peau de porcelaine aussi blafarde qu'un fantôme pourrait l'être. Et ce froid mordant qui lui permettait de mettre un bonnet sur sa chevelure blanche et de porter un long manteau cachant sa maigreur. Dans un paysage de glace, elle était presque commune. Dans ce paysage elle était elle, et non plus le courant d'air de la maison. Dans ce paysage elle n'était pas remarquée mais elle n'était pas non plus invisible. Au cœur de l'hiver elle n'était plus albinos. Et ce sentiment fut si fort en elle qu'elle se senti libéré d'un poids. Complètement délivrée de son fardeau, une forme de sérénité l'envahit. Ne ressentant pas le froid dû à l'émerveillement, elle s'endormit alors sur la neige tendre.


...


« Néva !!! Tu ne veux pas te mettre au chaud avec tes sœur ? Tu dois avoir froid ! »

La jeune fille regarda sa nourrice couverte d'une écharpe, lui faire signe depuis l'entrée de la cuisine. Elle lui répondit négativement d'un signe de tête avant de replonger ses mains dans la neige. Mia abandonna l'idée de la faire rentrer et retourna à ces fourneaux. Mais elle lança toutefois quelques regards à travers la fenêtre embuée pour la surveiller. Elle ne voulait pas que l'incident qui était arrivé quelques années plus tôt se reproduise. Mia se souvenait encore de l'inquiétude qui l'avait assailli en découvrant la petite endormie dans la neige. Neva était alors en hypothermie. Son petit corps était si froid et tremblait avec force. La petite était presque morte de froid. Mais cela n'avait pas altéré l'amour que portait Neva à l'hiver. Et dès les premières tombées de neige, celle-ci pouvait passer des heures dehors. Surtout lorsqu'elle créait son bonhomme de neige. Et d'une année sur l'autre il était presque identique. Il avait à peu près la même taille à chaque fois, avec des formes plutôt féminines et un regard chocolat représenté par deux châtaignes. Neva subtilisait même de la laine à Mia pour lui faire une longue chevelure. Et ce jour-là quand elle eut fini, elle lui donna le même nom qu'aux autres.

« Bonjour Anna ! »

Anna était son amie, une amie qui disparaissait à la venue du printemps mais qu'elle faisait revivre à chaque hiver. C'était sa sœur de cœur comme elle le lui avais dit un jour. Neva pouvait rester des journées entières auprès d'Anna à lui raconter ces moindres tourments. Et ce qui surprenait toujours la jeune fille, c'est qu'elle y arrivait sans bégayer. Parler avec cette silhouette de neige était facile. Pas de gêne, pas besoin de s'excuser d'être là. C'est juste Anna qui écoute avec son grand sourire.

« Je suis contente de te revoir ! Tu m'as beaucoup manquée. Et moi je t'ai manquée ? »

Le vent souffla.

« Oh merci Anna, mais je ne suis pas jolie tu te trompes ! Mère a encore sursauté en me croisant la nuit dernière. Elle a cru voir un revenant. Je lui fais peur !Je fais peur à tout le monde. »

Il n'a jamais étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant