Prologue

49 6 0
                                    

Londres, 7 décembre 1993

" - Au secours ! À l'aide !"
Une femme crie à plein poumon au milieu des flammes et personne n'en entend le moindre son. Personne ne pourrait l'entendre avec un tel vacarme. Le craquement du feu qui dévore les murs et les meubles, le klaxon des conducteurs et les cris affolés des passants couvrent les pleurs du bébé qu'elle tient dans ses bras. Dans ce qui avait été autrefois ce salon familiale plein de vie et de cris joyeux, la mère ne voit plus que des langues de feu, avalant à grands traits les souvenirs d'un passé révolu, et menaçant de leur lueur rougeâtre la vie de tous ceux qui oseraient les affronter. Sa plus grande fille est à ses côtés, recroquevillée, la tête sur les genoux. Dans sa main gauche, elle tient une photographie aux bords noircis par le feu et sur laquelle on aperçoit une femme rousse, vêtue de blanc, dont les yeux verts ressortent transfigurés par une joie sans condition et dont le sourire est si sincère qu'on aurait du mal à y croire. Sur la photographie, elle est accompagné d'un homme habillé d'un costume, heureux lui aussi, mais laissant paraître un sourire plus simple dans lequel l'amour semble s'être incarné. À présent la femme et seule, son mari, lui, est déjà parti pour le voyage sans retour, emporté par la fleuve au milles teintes rouges qu'est devenue sa maison. La mère pousse un dernier cri et prenant ses enfants dans ses bras comme pour les protéger de toute la misère du monde, traverse le mur de flammes. Elle prend feu et lâche sa progéniture en rendant son dernier souffle.
La fumée est partout, menaçant à tous moments d'achever les bambins. Le nourrisson suffoque et la petite fille du haut de ses six ans à peine ne sais pas quoi faire. Lorsqu'une poutre s'effondre, les cendres se démultiplient, envahissent la pièce et les poumons de la plus jeune explosent. L'autre ne peut rien faire, rien qui puisse ramener sa sœur, rien que porter son cadavre vers l'extérieur, le cadavre d'un bébé. Alors elle court, serrant de toutes ses forces le seul souvenir matériel qu'il pourrait lui rester et le minuscule corps froid de cet être ayant à peine vécue. Elle sort de la maison en feu, elle va bien, elle est vivante mais affolée et cherchant à tous prix une aide extérieure. Dehors il n'y a plus personne. Tout le monde s'est enfui, laissant la famille dépérir sans lever ne serait-ce que le petit doigt, trop effrayé par leur propre mort pour tenter de l'affronter volontairement. L'enfant marche d'un pas mal assuré et  fatigué. Les larmes qui devraient couvrir ses joues sont absentes mais tout dans son expression trahit la souffrance pure et profonde, comme ancrée dans son coeur depuis des années. Dans la campagne à quelques pas de là, à cet instant, on peut entendre un cri d'enfant, une plainte. Une plainte, qui semble comme provenir du ciel.

La Légende des Éléments - 1. FireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant