se lo dió la vida

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Au milieu des pages remplies de cours tarabiscotés qui couvraient la table, était posé une tasse en céramique. Elle était à moitié remplie de café froid dont l'odeur se diffusait sans problème dans la petite chambre. Par la fenêtre on apercevait la rue, quasiment déserte. Il n'y avait qu'une prostituée sur le banc du bus, un sans-abri assis devant la pharmacie et le videur de l'unique boîte de nuit de la rue, droit comme un piquet devant la devanture illuminée.

Il était là, assis sur sa chaise derrière la fenêtre. Il travaillait ses cours pour la énième fois de la semaine. Il était submergé par ses études. Il ne savait même pas pourquoi il en faisait. Ce n'était pas ce qu'il voulait. Il avait simplement fait en sorte d'entrer dans la norme et s'était inscrit a l'Université. Et désormais, il regrettait. Ce n'était pas sa vie. Il avait l'impression d'être éteint.

Il avait la chance d'avoir un toit et un avenir tout tracé mais il n'avait rien de plus. Pas de famille ni d'amis, personne sur qui se reposer en somme. Mis à part le propriétaire du studio qu'il louait dans un des immeubles de cette rue. Il était constamment fatigué. Fatigué de travailler, fatigué d'aller en cours, fatigué de se nourrir, fatigué de prendre soin de lui. Il était fatigué de vivre.
Ses parents l'avaient abandonné alors qu'il n'était qu'un enfant et la famille qui l'avait accueilli par la suite, l'avait mis à la porte dès la majorité passée. Il travaillait à côté de ses études pour payer son logement. Et il détestait cela. Il avait longtemps essayé de se faire des amis, en vain. Selon lui, les gens n'étaient pas intéressants. Et de toute manière, ils le fuyaient comme la peste.

Plusieurs fois, il avait pensé à en finir avec la vie. Et il avait déjà essayé, plus jeune, lorsqu'il vivait avec sa famille d'accueil. Mais on l'avait trouvé avant qu'il ne soit trop tard. Il avait récidivé deux fois, sans plus de succès. Soit la dose de médicaments qu'il prennait était trop faible, soit elle lui donnait envie de vomir et il régurgitait ce qu'il avait avalé. Il n'avait jamais essayé de se vider de son sang car il n'aimait pas avoir mal. Et il savait que la douleur allait le torturer. Et il voulait mourir, pas souffrir.

Du revers de la main, il envoya balader quelques cours qui jonchaient son bureau, faisant tanguer  la tasse de café dont quelques gouttes s'échappèrent. C'était pour cette nuit.

Il se leva et jeta un coup d'œil par la fenêtre. La rue avait l'air aussi morte que son âme. Et bientôt, son corps suivrait. Il fouilla dans le tiroir de sa commode, celui dans lequel il rangeait les médicaments et tomba sur une boîte de somnifères. Il hésita : et si il parvenait à se réveiller quand même ? Il prit donc une deuxième boîte, de paracétamol cette fois, et se dit que si après avoir ingurgité le contenu des deux boîtes il était encore en vie, c'était que quelqu'un ne voulait pas de lui de l'autre côté.

Les dix comprimés sortis de leurs boîtes étaient à présent sur son bureau, à côté de la tasse de café. Il avait pris un verre d'eau pour les faire descendre plus facilement. Hors de question pour lui de boire une goutte de café de plus. Il détestait cela.

Un. Il repensait à tous les moments de son enfance dont il se souvenait. Et il lui était impossible de trouver un bon souvenir. Deux. Il n'y parvenait pas. Même le jour où sa petite sœur, la fille de ses parents adoptifs était née, n'était pas un bon souvenir. Trois. Justement, ce jour avait signé le véritable début de ses envies suicidaires. Quatre. Sa rentrée au collège avait été la pire de toutes. On l'avait mis de côté et harcelé. Cinq. Il en restait encore la moitié. Et personne ne ferait attention à sa disparition. Six. Il alla s'allonger sur le petit lit en face de la fenêtre. Loin de la tasse de café qui embaumait la pièce. Sept.

De là, il voyait la lune. Huit. Elle était majestueuse. Neuf. Il voulait la rejoindre au plus vite. Dix.

Allongé dans son lit de sa petite chambre d'étudiant, il donna à la lune la seule chose qu'il lui restait. La vie.





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C'est la fin de Se lo dieron a la luna. Le titre signifie "ils l'ont donné à la lune".

J'ai écrit cette histoire sur un coup de tête après avoir écouté une chanson qui racontait l'histoire d'une prostituée et tout ce qu'on ne sait pas en la voyant. Rien n'a été vraiment prémédité, c'était un peu au feeling de A à Z.

Dites moi ce que vous en avez pensé.

A.

Se lo dieron a la lunaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant