se lo dió el pasado

27 6 0
                                    

La lumière orangée des lampadaires se reflétaient dans les flaques qui jonchaient le bitume à différents endroits. Il avait plu précédemment dans la journée, et maintenant que la nuit était tombée, les petites étendues d'eau étaient les seules témoins de cet épisode.
La rue était éclairée à plusieurs endroits et, malgré la noirceur de la nuit, la visibilité était bonne.

Il était là, assis sur un morceau de carton posé à même le sol. La barbe rêche et les traits tirés, il était épuisé. Il était fatigué de vivre adossé à la devanture de la pharmacie avec un simple bout de carton. Il était fatigué de vivre dans la rue. Mais il n'avait pas le choix. Sa vie était faite ainsi depuis quelques années maintenant et il n'y pouvait rien.

Un soir de novembre, il était rentré chez lui, licencié et exténué. Son chômage a duré quelques mois avant que sa femme ne le quitte pour un homme avec une situation stable. Malheureusement, il n'était plus en mesure de payer l'appartement qu'il possédait car sa désormais ex-femme avait réussi à tourner les termes du divorce en sa faveur. On a fini par lui saisir tous ses biens et il s'est retrouvé dans un foyer de sans-abris. Il y allait encore de temps en temps, quand le froid était trop mordant pour qu'il puisse subsister une nuit supplémentaire.

C'était un homme dévoué qui avait donné sa vie à son travail et à son mariage. Et il avait perdu les deux. Il se trouvait donc sans famille étant donné qu'il n'avait pas d'enfants. Et cela le tuait. Il n'avait plus rien mis à part une vieille couverture miteuse qu'on lui avait refilé au foyer de sans-abris, un carton humide, un pull en laine bouffé par les mites et une veste épaisse qui le protégeait tant bien que mal du froid de la nuit.

Il aimait la nuit. Mais c'était avant de se retrouver à la rue, à la côtoyer à chaque fois que le soleil déclinait. Il voulait un toit mais n'avait pas les moyens de s'en offrir un. Il aurait pris n'importe quel boulot pour s'en sortir. Il enviait même le videur de la petite boîte de nuit à l'autre bout de la rue. Au moins, lui avait un toit où s'abriter une fois le jour levé. Mais l'homme n'avait plus rien. Ni d'argent, ni de famille, n de travail.

Il passait ses journées à errer, dans la rue ou dans le reste de la ville. Il se rendait dans le centre vers midi car il y avait toujours une âme charitable pour lui permettre de s'acheter ne serait-ce qu'une pomme ou un morceau de pain pour subsister. En fin de journée, il retournait systématiquement devant la pharmacie car il y avait un petit renfoncement dans le mur dans lequel il pouvait se mettre pour s'abriter du vent.

Il n'était pas comme certains sans-abris qui faisaient la manche et allaient d'acheter de l'alcool et des cigarettes avec ce qu'on lui donnait. Et Dieu sait combien il en avait rencontré. Non, lui se refusait à abuser de la bonté et de la générosité des passants. Il investissait donc le peu qu'il avait dans de la nourriture ou du savon premier prix. Il voulait retrouver la vie qu'il avait par le passé. Mais à plus de soixante ans, cela commençait à devenir compliqué car il n'allait pas avoir accès tout de suite à sa pension de retraite et encore, elle serait très peu élevée.

Il fut un temps où la nuit était son amie. Aujourd'hui, il avait plus de mal à la supporter car elle était souvent glaciale et peu rassurante. Il aurait voulu lui donner ce qu'il avait mais la vie lui avait déjà tout pris. Alors il lui avait donné la seule chose qu'il portait encore en lui et que seule la lune pouvait voir depuis sa position bien haute dans le ciel. Son passé.

Se lo dieron a la lunaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant