Le château de Dournal

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Depuis l'enfance, j'ai été bercée par ces histoires.

Il est dit que le château en haut de la colline de Dournal abrite une force puissante. Certains disent que des vampires y ont vécu dans les années 1700. D'autres disent que des fantômes s'y baladent aisément.

Les villageois en parlent, mais aucun d'eux n'a jamais osé y mettre les pieds. Même les adolescents les plus fous n'ont jamais été plus loin que le grand portail en fer noir. Ce dernier mesure bien trois mètres de haut. Vieilli par les années et couvert de lierre. Une grande allée, autrefois blanche, monte jusqu'au château où un grand escalier mène jusqu'à la porte d'entrée.

De la fenêtre de ma chambre, je vois le château. Et si tout le monde pense que personne n'y vit, je n'en crois rien. Je la vois, tous les soirs, cette faible lumière émanant de la fenêtre la plus haute. Les fins rideaux noirs m'empêchent de voir clairement ce qu'il s'y passe.

Cela n'empêche pas l'ombre humaine de me regarder, chaque soir. C'est comme s'il m'appelait. Tous les soirs, son portail grince, m'indiquant son arrivée. Comme tous les soirs, je ne peux m'empêcher d'être attirée par ce bruit. Je l'entends malgré les kilomètres qui me séparent de cette colline.

Je m'assieds sur le rebord de ma fenêtre, observant sa voiture des années trente passer le portail et rouler jusqu'à un grand buisson où il cache la voiture pour que personne ne se doute que quelqu'un vît là.

Il se cache de tout le monde sauf de moi, Louise Lienhart.

Trop loin pour voir à quoi il ressemble précisément, je sais que c'est un homme de très grande taille avec un corps fin. Il est aussi sombre que les corbeaux qui protègent le château.

Ce soir, comme tous les soirs, à vingt-deux heures précises, j'entends le portail grincer au moment où il s'ouvre comme par magie sans que personne ne l'ouvre. Ma nuisette rouge sang retombe sur mes cuisses lorsque je me lève de mon lit pour m'approcher de la fenêtre.

L'automobile s'arrête derrière le buisson. Je le vois sortir de sa voiture. Pour la première fois depuis que toute cette histoire a commencé, il se tourne vers moi et je peux apercevoir son regard illuminé d'un je-ne-sais-quoi. Il est si loin, et pourtant, mes sens sont développés au point de pouvoir le voir et l'entendre. Comme s'il voulait que je le voie, l'entende.

Rapidement, son regard perçant se détourne de moi. De façon élégante, il entre et j'entends le bruit sourd de la lourde porte en bois se fermer.

La lumière s'allume à la dernière fenêtre. Sa silhouette apparaît au travers du rideau. Je sens son regard s'ancrer dans le mien, malgré la distance, malgré la noirceur de la nuit.

- Je t'attends, murmure-t-il.

Et je viendrais.

La puissance de DournalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant