Sur cette nouvelle résolution et mon café terminé, je descendis au CDI du lycée, qui n'était, comme par hasard, pas très loin.
Le lundi était, comme tous les autres jours, un moment parfait pour profiter du calme de l'endroit. En sous sol, le réseau ne passait pas, ce qui évitait aux élèves frileux de ne s'y réfugier que pour consulter les dernières péripéties de Nabilla et non n'importe quel livre intéressant. J'entrai et embrassai le lieu du regard, reconnaissant les quelques habitués (des losers attachants), occupés à faire des recherches ou à lire quelque manga.
... Madame Bovary... Où pouvais je le trouver ? L'organisation des étalages avait été revue récemment ce qui ne facilitait pas ma recherche. Était-il même disponible ? Bien que détestés à l'unanimité des élèves, ce livre était depuis la naissance du bilboquet, favori des programmes de français. Pas étonnant qu'un élève l'ait emprunté avec mauvaise foi, ne l'ait jamais ouvert, perdu entre deux magasines cochon et prétexté que son chien l'ait mangé... J'en passe.
Afin d'éviter de perdre mon temps précieux, je me décidai d'aller me renseigner auprès de la Documentaliste, Mademoiselle Dupigeon, qui n'avait sûrement rien de mieux à faire. Je m'approchai rapidement de son bureau et éclaircis ma gorge, brisant sa bataille de regard sérieuse avec son poisson combattant -qui avait l'air d'avoir le Q.I d'une chaussette-.
"-Bonjour ! Vous sauriez si vous avez encore Madame Bovary en stock ?"
Le sourire qu'elle venait de prendre en me voyant disparut et ses yeux s'ouvrirent de surprise, ronds comme des soucoupes, lui donnant des airs de parenté avec son somptueux animal;
"-Euuuh oui, je l'ai certainement. Drôle de choix de ta part..!"
Elle se leva le chercher. Visiblement, même elle contestait ma décision. Qu'importe ! Rien n'arrêtera ma romance avec Monsieur Carteggiare. Rien. Même un livre dont le niveau d'amusement rivaliserait à quarante-huit heures d'une émission de Motus.
Après quelques minutes, Mademoiselle Dupigeon revint vers moi, un volumineux ouvrage dans les mains, qu'elle me tendit, côté quatrième de couverture. Je jaugeai la bête. Le livre semblait peu abîmé, neuf, comme si personne ne l'avait jamais ouvert. Pourtant des restes de moutons de poussière restaient accroché entre les pages jaunies sur les bords par l'humidité. Il avait du rester sur son étagère un long moment pour être dans un tel état... C'en était presque inquiétant.
Je remplis ma fiche pour emprunter l'ouvrage et la tendit à la documentaliste, qui alla aussitôt se perdre de nouveau dans le noir des yeux de son compagnon à nageoires. Profitant du temps qu'il me restait, je m'asseyais dans un fauteuil et lit rapidement le résumé, que j'avais déjà oublié.
En bref, nous suivons les aventures d'une certaine Emma, rêvant plus que la vie de campagne dans laquelle elle était coincée ...Pas passionnant à première vue, mais comme dit si bien l'amour de ma vie: "Ne jugez jamais un livre à sa couverture...!" En parlant de couverture, je ne l'avais toujours pas vue. Il me le fallait bien, puisque je m'apprêtais à commencer ma lecture. Je retournai l'objet...
Et là, c'est le drame.
Je rencontrai son regard sombre, son regard de braise. Emma. Un air flegme et pourtant enjoué. Des lèvres pulpeuses entrouvertes, provocatrices. Une taille élégante. EMMA.
MAMAMIA.
Un regard et je me retrouvais troublée. Quelque chose devait tourner triangle chez moi. Ce n'était qu'une illustration et pourtant... L'étincelle vivace de son regard me donnait une envie nouvelle, une urge de m'intéresser à son histoire. Je restais un instant, perturbée, plongée dans le marron mystérieux de ses yeux. Moi qui me croyait exclusivementCarteggiarosexuelle, me voilà prise de pulsions pour quelques coups de crayon... A la fixer plus attentivement, je la voyais même m'adresser un clin d'œil aguicheur. Je crois bien avoir trop forcé sur le café.
Je me ressaisissais: Catherine, n'oublie pas pourquoi tu es ici ! Les beaux yeux de Monsieur Carteggiare et vos balades romantiques en chien de traîneau n'attendent que toi ! Sans plus me faire prier davantage, sautant la préface, j'ouvris le roman à son commencement, et avide, je m'y attaquai.
"Nous étions à l'Etude, quand le Proviseur entra, suivi d'un nouveau habillé en bourgeois et d'un garçon de classe qui portait un grand pupitre..."
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Un baiser entre deux pages (Mme Bovary x Catherine x Monsieur Carteggiare)
FanfictionCatherine est une élève normale dans un lycée banal. Après s'être fait briser le cœur par l'ignorance frigide de son professeur de lettres, Monsieur Carteggiare, elle entreprend pour l'impressionner la lecture de l'ouvrage "Madame Bovary". Ce qu'el...