La vidéo s'est lancée.
J'étais là, confortablement installée dans mon lit. A passer en revue différentes bandes annonces de films. En quête d'inspiration.
En voyant les acteurs, je me rends tout de suite compte que c'est une production arabe.
Ça m'étonne. Mais je décide de poursuivre le visionnage.
Je vois se dessiner devant moi le quotidien d'une famille, d'une famille nombreuse, fallait faire dans le typique.
Sauf que chaque personnage laissait transparaître une profonde détresse.
Une angoisse emplissait l'atmosphère, une angoisse qu'on aurait juré pouvoir palper.
A quoi devais-je m'attendre ?
Quel drame allait animer leur vie pour mon propre divertissement ?
Des bruits d'explosions, les murs qui tremblent, les enfants affolés, terrifiés, qui courent se réfugier sous le lit.
On comprend rapidement que ce n'est pas la première fois. C'était leur dose régulière d'horreur.
Ellipse.
« Demain, Ali ira chercher nos papiers, on pourra partir dès qu'il reviendra. J'ai déjà tout préparé ».
La jeune femme avait les yeux luisants d'espoir en prononçant ces mots là. On pouvait même y déceler une once de bonheur, un bonheur timide, fragile, qui n'osait trop se montrer de peur de se voir rembarrer.
La dame, plus âgée, qui semblait être la belle mère de la jeune fille, se contenta d'un mouvement de tête approbateur.
Elle était réticente, s'interdisant de souiller la belle image qui s'installait dans l'esprit de sa belle fille. La vérité est si dure.
Le jour suivant, Ali et sa femme se disent au revoir sur le pas de la porte, le cœur empli d'appréhension.
La femme de ménage, occupée à ranger la cuisine jette un rapide regard par la fenêtre.
Ce que je vois, me met déjà mal à l'aise. Le quartier était en ruine.
De la fumée s'échappait de la plupart des maisons, de ce qui en restait du moins.
Ali se matérialise dans le champ de la caméra, se dirigeant d'un pas rapide, vers ce qui devait être son salut.
Quand soudain, sans prévenir, on le voit s'écrouler par terre. Abattu par une balle dans la tête.
Je comprends de quoi parlera le film. Etait-ce la Syrie ? Peu importe.
Je ferme les yeux. Je les serre très fort. Comme si cela était suffisant.
Ne plus les voir suffirait à faire disparaitre les choses.
C'est après tout ce qu'on fait au quotidien, moi, tout le monde ?
Le bonheur dans l'ignorance.
Fermons tous les yeux.
Il n'y a aucune injustice.
Tout va bien.
Tant qu'on ne voit rien.
Le bonheur dans l'ignorance.