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Assise à une table dans le grand self, Luke vient poser son plateau en face du mien. Je lui adresse un sourire.

"Grace m'a dit qu'elle est rentré chez elle pour ce midi !" me dit-il en s'asseyant.

"Oui, j'ai reçu son message !" répondais-je.

Je balaye du regard le restaurant universitaire, jusqu'à ce que mes yeux se posent sur lui. Sur Thomas. Il est assis, quelques tables plus loin, seul. Il n'a pas de plateau, et il a l'air absorbé par son portable.

Intriguée, je jette plusieurs regards vers lui tout en parlant avec mon ami Luke. Il finit par lever les yeux de son appareil. Il croise immédiatement mon regard. Je détourne le regard vers Luke, pour reprendre la conversation. Après quelques minutes, je regarde en direction de Thomas. Il n'est déjà plus là.

Avant de reprendre les cours, je vais changer mes livres à mon casier. Quand je l'ouvre, une feuille pliée tombe à terre. Je fronce les sourcils et je me penche pour attraper le bout de papier. Je la déplie de mes doigts.

Devant l'entrée du campus, 17h00.

T.

16h50, la sonnerie retentit et je range rapidement mes affaires. Le cœur serré, je rejoins l'entrée du campus. Je m'adosse à un muret, sur lequel je pose mon sac. Des centaines d'étudiants passent devant moi pour quitter le campus. Des yeux, je cherche la fameuse chevelure blonde.

Il ne faut que quelques minutes pour le voir se diriger vers moi. Je récupère mon sac et m'avance vers lui.

"Pourquoi tu m'as donné rendez-vous ?" lui demandais-je.

Il continue de marcher, tête baissé. Je le suis.

"Je voulais te voir." me dit-il à voix basse.

"Oh." répondais-je.

Nous empruntons une rue, puis deux. Puis nous nous arrêtons. Je reconnais l'endroit. Nous sommes devant chez Thomas.

"Pourquoi tu m'as amené chez toi ?" demandais-je, assise dans le canapé.

"Pour être tranquille." m'affirme t-il en prenant place dans son fauteuil. "Et toi, pourquoi es-tu venue ?"

"Tu m'as donné rendez-vous, je suis venu. Simplement."

Il hoche la tête.

"Tu veux boire quelque chose ?"

"Ça va, merci."

"Si je t'ai fais venir ici ce soir... C'est pour que tu m'aides pour les maths, je sais que tu es douée."

"Euh, oui bien sûr !"

Il se lève et il ramène son sac de cours près de lui. Il sort son cahier qu'il pose sur la table basse qui nous sépare. Il tourne son cahier de façon à ce que je puisse lire. Puis il me regarde.

"Euh ?"

"Ben vas y, explique moi." me dit-il.

Gênée, je prends dans mes mains son cahier. Je lis ce qu'il a écrit et je le repose sur la table. S'en suit une explication très complète du cours. Il se contente de hocher la tête, alternant entre le cahier, et mon regard. Nous passons plus d'une heure sur ce foutu chapitre. Puis Thomas finit par fermer le livre. Et nous restons là, à se regarder dans le blanc des yeux, sans rien dire.

"Pourquoi veux tu arrêter de jouer ?"

Je fronce les sourcils en le regardant. Il me faut quelques secondes pour assimiler. Pour assimiler de quoi il parle. C'est lui. L'objet de mes problèmes, la source de mon intrigue depuis des semaines.

"Inconnu ?" demandai-je, bouche-bée.

Il se contente de hocher la tête, et je réussis à capturer un début de sourire de sa part. Je souffle et je me rassois dans le canapé. C'est trop là.

"Et... Le jeu tient toujours." rajoute-t-il.

Je me lève instantanément. J'attrape ma veste que j'enfile.

"Je pensais que t'avais un bon fond, l'autre fois, chez Harold, et l'autre fois, dans la rue. J'y crois pas que tu es fait tout ça juste pour que je tombe amoureuse et que tu gagnes. Dommage, ton plan a échoué Thomas, et je ne ressens pour toi que du dégoût. Avec ton jeu de merde. Je m'en vais, je ne veux plus entendre parler de toi."

Je me dirige vers la porte, mais Thomas enquille mon pas. Il attrape mon bras, et je fais volte face jusqu'à avoir le dos collé au mur.

"C'est toi qui t'emporte pour rien, je n'ai rien fait, moi. Je t'ai proposé le jeu, tu as accepté. Après, je t'ai juste envoyé des messages. Et sans moi l'autre connard aurait abusé de toi à la fête, et tu te serais fais voler toutes tes affaires l'autre soir dans la rue. Et c'est surement pas tes amis qui auraient fait ce que j'ai fais pour toi, Louise." répond-t-il, presque en criant.

Il me fusille de ses si beaux yeux foncés. Je ne plie pas, et je tiens le regard.

"Et bien tu sais quoi ? Non seulement tu ne gagneras pas, mais en plus tu vas perdre. Parce que c'est toi qui va tomber amoureux de moi." dis-je de manière hautaine.

"A ta place je n'y compterais pas trop Louise... "

Je lui adresse un dernier regard, et je continue mon chemin vers la porte, en le bousculant.

"Je te ramène." me dit-il.

"Non."

"Très bien. Je vais devoir te suivre pour m'assurer qu'il n'y ait pas de gros chiens dans la rue qui attendent qu'une belle fille passe pour l'agresser." dit-il en mettant son manteau.

Je soupire de manière assez forte pour qu'il entende et je m'engouffre dans la pénombre.

J'arrive enfin chez moi. J'ai du me retourner plus d'une centaine de fois pour vérifier si Thomas me suivait ou non. Je n'y crois pas. Que Thomas est Inconnu. C'est lui qui m'a dit toutes ces choses, qui m'a espionné, qui m'a défendu, qui m'a déshabillé. Je me sens rougir à ma dernière pensée. Il veut jouer ? On va jouer Thomas. Et prépare toi à perdre.

Le réveil n'a pas sonné. Ou je ne l'ai peut-être pas activé ? Je n'en sais rien, mais ce dont je suis sûr, c'est que je suis bien en retard. Je cherche ma salle, alors que les couloirs sont déserts. Je décide d'envoyer un message à Grace. Une tête blonde déboule sur ma gauche.

"Qu'est ce que tu fais là ?" me demande t-il.

"Je vais en cours, je suis en retard."

"Tu fais encore la tête ?"

"Non." lui répondais-je faussement.

Et là, je le vois sourire. C'est la première fois que je le vois aborder un sourire. Et il est juste... Non. Je reste là, à le regarder. Même si je ne comprends pas pourquoi il souriait.

"Je te propose d'accélérer le jeu. Sortons ensemble vendredi soir." propose t-il.

Il me faut un temps de réflexion pour assimiler. Je suis partante. Je remet mon sac sur mon épaule et je tourne les talons. En m'éloignant dans le couloir, je souris.

" A vendredi soir, Thomas." criai-je pour qu'il m'entende.

Dans mon dos, je pouvais sentir sa satisfaction. Souriait-il ?

P L A Y    W I T H    M E   (Thomas Sangster)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant