I. Déni

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Le jour de la rentrée. Ce jour maudit où, sans explication, tout va de travers. Je crois que c'est une loi universelle : il est impossible pour un jour de rentrée de se dérouler sans accroc. Chaque année, j'ai l'impression que cette journée équivaut à se jeter dans un gouffre noir et sans fond, tout en espérant qu'on s'en sortira sans une égratignure. Pas très réaliste, donc.

J'ai eu la confirmation que ce jour était bel et bien condamné quand, au moment où mon réveil a sonné, en voulant l'éteindre avec ma délicatesse caractéristique, je l'ai fait tomber et se briser au sol. Ensuite, après avoir passé comme toutes les filles un bon moment à me maquiller, avoir longtemps hésité sur la tenue idéale pour finalement choisir un crop top noir et un jean déchiré bleu clair, après avoir avalé un petit déjeuner très équilibré constitué de pancakes, de pancakes, et de pancakes, j'ai raté mon bus. J'avais pourtant passé moins de temps à me préparer que d'habitude. Quand j'arrive au lycée, avec un lourd retard, j'ai déjà épuisé mon stock de motivation pour la journée.

Heureusement que ma réputation me précède. Les surveillants savent que je suis une élève modèle, que je n'ai jamais séché une seule heure de cours de ma vie, et décident de ne pas m'en tenir rigueur. Ils me pressent simplement de rejoindre ma nouvelle classe au plus vite. Un rapide coup d'œil aux listes affichées dans la cour, pas assez long pour savoir avec quels genres de personnes je me retrouve cette année, et je me rue vers mon étage. Parvenue à ma salle, j'ouvre la porte sans réfléchir, ne voulant pas rater une seconde de plus du cours que nécessaire. Et... interrompant le prof en train de parler pas la même occasion. Mais pourquoi je n'ai pas eu l'idée de frapper ? Ma timidité se rappelle à mon bon souvenir, me figeant sur place.

- Ex... excusez-moi, je commence en rougissant devant mes nouveaux camarades qui ne cherchent même pas à cacher leur amusement. J'ai... j'ai raté mon bus et....

- Comme c'est le premier jour, je vais être indulgent, déclare le professeur avec un soupir qui montre qu'il n'est pas très optimiste quant à l'année scolaire qui commence. Votre nom ?

- Win... Winter Smith, je bégaye de plus belle.

- Très bien Winter, allez vous installer au fond, à côté de Jackson.

J'obtempère et je me dirige vers ma place. Mes joues brûlantes doivent avoir pris une teinte tomate, car les élèves rient sur mon passage. Dans les rangs, je ne repère malheureusement personne que je pourrais considérer comme un ami. L'année s'annonce bien. Alors que je m'apprête à m'asseoir et à déployer mes efforts à me faire oublier, je réalise soudain à côté de qui je suis assise.

Cheveux bruns en bataille. Blouson en cuir aussi noir que les plumes d'un corbeau. Sourire suffisant. Dents dignes d'une pub pour dentifrice.

Mon détecteur à Bad Boys interne s'affole.

***

Enfin. Ces deux heures d'intense torture, consacrées à écouter le professeur nous lister tout un tas de généralités sur l'année scolaire à venir, arrivent à leur terme. Je n'ai pas fait trois pas dans le couloir que Pal White se précipite à ma rencontre. Pal, ma meilleure amie pour la vie, et aussi... ma seule amie. Quand on est quelqu'un d'aussi timide et d'aussi sérieux que moi, on se retrouve souvent à l'écart. Pourtant, Pal n'est pas le genre de personne à passer inaperçue, avec son sourire éclatant et sa garde-robe extravagante. Aujourd'hui, elle est d'ailleurs vêtue d'une jupe en tulle violette ainsi que d'un collant rayé.

- Tu en as entendu parler ? commence-t-elle avec excitation dès que je suis à portée de voix. Il paraît qu'il y a un nouveau, Jackson Hale.

Comme d'habitude, Pal ne s'encombre pas de formalités comme me dire bonjour ou prendre de mes nouvelles, et passe directement au sujet qui l'intéresse vraiment. Mais elle a bien parlé d'un Jackson ? Mon Jackson ?

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