3

12 2 0
                                    

- Il est sept heures ! Il est sept heures ! Il est-

Mon poing s'écrase avec agacement sur ce fichu droïde. Quelle idée de mes parents de l'avoir acheté ! Il ressemble à une assiette à l'envers avec une petite boule lumineuse au milieu qui braille pour que je me lève tous les matins. Boule qui vient d'ailleurs de s'enfoncer dans le métal avec la force avec laquelle je viens d'abattre ma main dessus. Je la tapote du bout des doigts pour qu'elle réapparaisse et vérifie bien que la lumière est éteinte : il ne manquerait plus qu'il se mette à sonner en pleine journée.

Je me lève avec lourdeur et attrape mon épaisse chemise blanche ainsi que mon pantalon. Je m'en revêts et marche en traînant des pieds jusqu'à ma porte qui s'ouvre automatiquement. Je parviens à me diriger jusqu'à la salle de bain sans me rendormir debout et contemple la vieille douche rouillée avant de réaliser que je suis venu ici pour me passer un coup de brosse. J'attrape l'engin nécessaire et commence à coiffer ma tignasse verte. C'est ma couleur naturelle, aussi étrange que cela puisse paraître. Les Complexes possèdent tous plus ou moins des couleurs de cheveux ou d'yeux, rarement de peau, un peu étranges. Les Neutres, eux, sont beaucoup moins extravagants et se contentent des habituels blonds, bruns ou roux. C'est pourquoi mes cheveux sont verts. Mes yeux, n'en parlons même pas, ils sont colorés d'un violet mauve qui tire quelquefois vers le bleu.

Je finis de dompter ma crinière pour ne pas avoir l'impression que je sors de mon lit, puis sors de la petite pièce pour aller cette fois dans la cuisine. Ma mère m'attend de pied ferme comme tous les matins pour vérifier que je suis bien réveillé. Satisfaite, elle me tend un verre d'eau bleue et une genre de guimauve rigide. Bon pour les petits déjeuners paraît-il. Ce n'est pas très savoureux mais je mange quand même ; je sais que sans ça mon ventre viendra m'interrompre vigoureusement à dix heures à peine.

- Bien dormi ? me lance ma génitrice avec entrain.

Ma réponse pourrait être plus assimilée à un beuglement qu'à une syllabe. Je crois qu'elle a compris ce que j'essayais de lui dire.

Une fois le petit déjeuner fini, je pars me laver les dents puis je reviens dans ma chambre. J'attrape rapidement mon sac en bandoulière pour y fourrer ma tablette à écran, ma montre et d'autres babioles inutiles. J'y rajoute une plaquette de sucré, une genre de confiserie dure et transparente, ainsi que mon repas du midi : mon habituelle perle verte gluante. À le décrire comme ça, tout paraît infâme mais en vérité le goût n'est pas mauvais. Et, comme on nous cesse de nous rabâcher les oreilles avec : c'est bon pour la santé et ça nourrit bien.

Arrivé à l'entrée j'attrape ma combinaison anti-froid que me tend aimablement Jean Michel, le droïde aux bras articulés. Ce n'est pas moi qui ai choisi le prénom, ce sont mes parents qui sont juste nostalgiques. Je l'appelle JN21-4. C'est son matricule, et ça lui va tout de même mieux.

- Passez une bonne jourrrrrnée Tagaë, me dit-il.

Je me dis qu'il va falloir que je lui vérifie les circuits sous peu, je commence à en avoir assez de l'entendre rouler les r pendant 3 secondes à chaque mot.

Je sors de la maison en n'oubliant pas mon badge et me retrouve dans le grand froid de notre Région. La neige me fouette déjà le visage, et j'ai juste le temps d'entendre ma mère râler car je n'ai pas ouvert mes volets.

Je fais quelques pas dans le neige dure et enfouit mon visage dans la grosse écharpe que je porte en plus de ma combinaison. On dira ce qu'on dira, mais cette combinaison ne protège pas tout le cou. Et je m'en plains régulièrement.

Autour de moi, des maisons toutes similaires à la notre prennent racine dans le froid. Ce sont toutes des maisons carrées et une tout rond comme un dôme. Il renferme pour chacune d'entre elle un minuscule grenier et un complexe électronique qui nous permet de rester au chaud, d'avoir de l'eau, des ondes radios, et surtout, mais ça on ne le dira pas beaucoup, de nous surveiller. Toutes sont construites dans le même matériau gris-ocre pâle qui ressemble à un mélange entre de la pierre et du plastique.

Pour un morceau d'éternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant