Le ménage de la rentrée

93 8 0
                                    

Les élèves de dernière année étaient tous assis à leur pupitre depuis une dizaine de minutes pour le premier jour de la rentrée. Leur professeur ne s’était toujours pas montré le bout du nez depuis l’accord passé avec le directeur Braddwing. Celui-ci faisait les cent pas devant le bureau de chêne finement sculpté destiné à l’enseignant. Il ne l’avait pas pris au pied de la lettre quand il avait dit «à la seconde précise où les cours débuteront». Résultat : le Conseil d’administration lui poussait dans le dos pour connaître le programme de la dernière année. Or, n’ayant pas rencontré celui qui le concevait, du moins depuis qu’il y travaillait, ça lui était impossible.

Soudain, la sonnerie de la vieille cloche de bronze de l’institut se fit entendre. Le gros homme compta les secondes dans sa tête. Un… Rien. Deux… Étrange. Les elfes étaient plutôt ponctuels, d’habitude. Cinq… Toujours absent. Six…

Une silhouette pâle se forma derrière le bureau. D’abord translucide, puis consistant et présent, Gandor apparut, confortablement assit sur son fauteuil de cuir rembourré. Il semblait… essoufflé. Légèrement.

-        Bonjour, jeunes gens, commença-t-il avec son habituelle expression égale et lasse. Je suis désolé de mon retard, le conseil elfique s’est montré plus réticent que prévu à m’ouvrir la Muraille de brume entourant notre île. Je me présente : Gandor, Haut-roi de l’île de Resujmat, résidence du peuple des elfes. Je suis votre nouveau professeur. Nous allons commencer par prendre les présences…

-        Inutile, Gandor, fit Braddwing, tous ceux qui devaient être là sont présents. Sauf monsieur Aumbrai, qui a déménagé et qui, de ce fait, doit ranger des boîtes et sera de retour dans une semaine.

L’elfe tressaillit et son regard se perdit dans des brumes imaginaires. Un groupe d’étudiants ricana que ce professeur n’était pas aussi compétant qu’on l’entendait, jusqu’à ce que l’un d’eux ne se raidisse et que son visage devienne un masque impénétrable de souffrances intérieures.

Après quelques minutes, celui-ci se détendit, sourit et tomba endormit comme une bûche.

Un brouhaha paniqué s’empara de la classe.

-        Qu’est-ce que vous… commença le directeur.

Mais l’elfe était de nouveau en transe. Le voisin d’en face de l’endormit se raidit à son tour. Puis, il s’endormit lui aussi, mais avec un air de terreur. Et l’elfe pris un air faussement victorieux qui ne trompa personne : il n’arrivait pas à sourire comme il le fallait, et se donnait davantage un air stupide qu’autre chose.

-        J’ai trouvé ce que je cherchais. Monsieur Aumbrai n’a pas déménagé. En ce-moment même, il se repose tranquillement chez lui, en ricanant des mauvais coups qu’il compte faire la semaine prochaine à son nouveau professeur. Si vous permettez, je vais immédiatement le…

-        NON ! Surtout pas ! Vous avez déjà violé plusieurs articles du Code des droits d’intimité et de décision de la personne. Ce jeune homme sera puni sévèrement, et…

-        Balivernes, fit Gandor en accompagnant la parole avec un geste de la main. Il soudoiera ses surveillants et s’en sortira sans encombre. Ou le Conseil aura crainte de représailles de son plein aux as de père et se contentera de le priver de dessert une journée. Non. Et puis, tant que nous y sommes, ces jeunes n’ont-ils pas signé des papiers qui nous autorisent à briser ces dits-articles en cas de nécessité ?

L'Empire des DragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant