Je suis seule, dans ma chambre, assise sur mon lit. Depuis que Peter m'a quitté pour rejoindre sa famille à cause de cette curieuse histoire de crocs, je me suis réfugiée dans le travail pour vaincre mon désir intense de descendre leur demander où est le problème. La curiosité est un vilain défaut, je ne dois pas succomber.
Un soupire m'échappe. Reprends-toi, Aria, tu as des livres à ficher.
L'angoisse de l'attente me rend efficace. Je veux tellement m'obliger à penser à autre chose que mon cerveau est en état de stress productif, il carbure à toute vitesse. J'écris, je lis, je regarde ma porte, je baille, je m'y remets. Tout s'enchaîne jusqu'à des heures indécentes.
Jusqu'à ce que le merveilleux son d'un piano sollicité ne vienne chatouiller ma sensible oreille. Surprise de ne même pas avoir entendu mon beau voisin de chambre remonter, je me laisse cependant aller à écouter la sombre berceuse. Inutile de préciser à quel point je suis comblée que Peter ait accepté de jouer. Rien ne me dit qu'il joue pour moi, pour honorer ma demande, mais au moins, il le fait. S'il me haïssait de toute son âme, il aurait très bien pu s'abstenir de jouer par pur esprit de contradiction.
Heureusement non, il joue. Il joue de ses doigts enchantés, comme si de l'arôme de sentiment pouvait sortir de ses notes pour parfumer l'espace. Je suis aux anges. Cette musique me motive à aller me coucher. Je ferme mes livres en prenant soin d'y glisser des marque-pages, puis me glisse dans mes draps chauds, le visage tourné vers la porte.
C'est stupide mais je me prends à fantasmer un instant sur ce superbe pianiste, l'imaginant ouvrir humblement la porte de ma chambre avec ce magnifique sourire que j'ai eu la chance de lui voir plaqué sur les lèvres.
Je me reprends vite. Peter est encore un étranger pour moi, je n'ai aucune raison valable de lui baver dessus. C'est surtout qu'il m'intrigue avec son aura mystérieuse, sa tendance à se replier sur lui-même dès qu'on s'approche trop, son talent de pianiste... C'est sans doute un peu ridicule de penser cela mais cet homme me donne l'impression d'avoir beaucoup vécu, d'avoir emmagasiné suffisamment d'émotion et d'expérience pour nourrir sa musique d'une maturité étonnante pour son âge.
Cet enfant prodige va me rendre dingue, si ça continu.
***
J'ouvre les yeux le lendemain, dérangée par le son strident de mon réveil matin. S'endormir sur la musique sublime de Peter et se réveiller avec ça, c'est douloureux...
Je me redresse, ensommeillée, et baille comme un ogre avant d'enfin me lever. Y a vraiment des jours où on préfèrerait rester couchés. Cependant, après une bonne douche chaude, je me sens de meilleure humeur pour attaquer cette journée ! De toute façon, peu importe que je le veuille ou non, je n'ai pas le choix.
Mon uniforme mis, je me dirige vers la chambre de Lorie. Pitié que ça se passe bien ! Je ne sais toujours pas comment entrer dans les grâces de cette petite princesse capricieuse, et pourtant, croyez bien que je le souhaite de tout cœur ! C'est sans doute une affaire de patience, on ne se connait pas encore très bien et elle me voit comme une intruse en sa demeure – voilà qui me rappelle un peu Peter.
Il va falloir que j'arrête de penser à lui pour un oui ou pour un non.
J'entre dans la chambre de sa majesté avec toute ma superbe, main sur la hanche.
« Debout, jeune demoiselle ! Il est l'heure de se faire belle ! »
Je pense avoir bien choisi mes mots. Si je lui sors « allez, il faut se préparer pour l'école », elle risque de me faire vivre un enfer ; or, si je tourne ça à l'envers en lui faisant croire que ce qui compte le plus, c'est de la sublimer, il y a plus de chance qu'elle me fiche la paix.
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Au nom d'Amour (Is It Love - Peter)
RomanceFanfiction issue du visual novel Is It Love - Peter.