Au nom d'Amour (Is It Love - Peter)

V- Dúnamis

Le vendredi arrive enfin.

Ces quelques derniers jours, ceux ayant suivi notre désaccord, m'ont permis de me calmer un tant soit peu. A bien y réfléchir, j'ai compris que ma colère – certes légitime mais toujours trop exacerbée – n'est qu'une réminiscence inconsciente de toute cette haine qui m'a noyé après le décès de mes parents. C'est le genre de colère qui part difficilement. J'ai fait tellement d'effort pour être libre et indépendante, pour ne pas m'enfermer dans ma tristesse, que me sentir coucounée m'a semblé être la pire chose possible.

Avec le recul, je peux accepter que la famille Bartholy se sente responsable de moi, puisque je vis chez eux et que je travaille au bien-être de leur sœur chérie.

Objectivement, je trouve qu'il y a des torts des deux côtés, dans cette histoire.

Depuis la dispute, je n'ai pas reparlé à Drogo – qui s'en fout comme de l'an quarante, d'ailleurs (oui, je sais, c'est surprenant mais vous allez vous en remettre) – pour mon plus grand plaisir, et Nicolae, chaque fois qu'il me croise, me regarde avec des yeux de chien battu. Je crois qu'il regrette beaucoup ce froid entre nous, surtout que malgré le peu de temps que l'on a passé ensemble, le courant semblait être bien passé. Du coup, c'est le premier à qui j'ai accepté de sourire à nouveau et il en a eu l'air soulagé.

Quant à Peter, c'est une autre histoire.

En même temps, son cas est particulier : il m'évite.

Eh bien soit ! Je m'occuperai de ce problème plus tard. Aujourd'hui, c'est la journée d'intégration et je veux penser à autre chose ! Cela ne fait qu'une semaine que je suis là, de toute façon ; les choses seront amenées à évoluer, pour le meilleur j'espère.

Sarah m'a conseillé de prendre un maillot de bain et de bonnes chaussures. Je fouille dans le peu de vêtements que j'ai pris et retrouve tant bien que mal un modeste 'une-pièce' bordeaux qui fera parfaitement l'affaire. De toute façon, personne n'a décrété qu'on allait faire un défilé de mode en petite tenue, même si je me doute que le nombre de bikini sexy va exploser aujourd'hui. Et puis, je n'ai pas honte de mon maillot. Il est chaste mais élégant. Et puis je m'en fous, en fait ! Je m'habille comme je veux !

J'enfile un pantalon de randonnée et un pull, attache mes longues mèches blondes dans un chaos ordonné et enfile ma paire de baskets. Ça et mon sac à dos, j'ai l'air d'une touriste alpine. Ne manquerait plus qu'un appareil photo pour faire illusion !

Non, même moi j'ai mes limites.

Je descends ensuite en trombe, pressée de quitter le manoir. Je ne prends même pas le temps de petit-déjeuner convenablement – à force de trop manger la veille, je n'ai absolument pas faim ce matin – mais pour ne pas me prendre le revers de la médaille, j'attrape cependant un fruit au hasard dans la corbeille pour le manger une fois arrivée.

Les trois frères sont réunis dans le salon, en train de lire ou de tripoter leur téléphone, et je soupçonne immédiatement Nicolae d'avoir forcé les deux autres pour 'faire bonne figure'. C'est gentil mais je ne veux rien qui ne vienne pas directement des deux concernés. Quand nous serons aptes à faire la paix, nous la ferons. Jusqu'alors, ils vont déchanter s'ils s'attendent à ce que je me montre sympa avec eux.

« Tu devrais manger un peu plus, s'inquiète l'aîné de la fratrie.

_ Ne t'en fais pas, je me suis préparé un pique-nique copieux pour ce midi ! Ce n'est pas demain la veille que je mourrai de faim ! Bon... Du coup, j'y vais !

_ Attends ! me retient-il. Drogo va t'accompagner en voiture jusqu'à la...

_ Bonne journée, Nicolae ! »