13. Là où je repose...

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« Alors c'est ça le Temps ? »

Sa question, posée innocemment, cachait en réalité une accusation plus profonde.

Je ne l'avais jamais amenée avec moi dans ces couloirs sombres. À l'époque, je maîtrisais mal mes nouveaux pouvoirs en tant qu'Infini, et la peur que j'avais eu lorsqu'ils s'étaient déchaînés avait douché mon enthousiaste et je ne voulais pas risquer la vie de la jeune fille qu'elle était.

Et je ne l'avais pas revue depuis.

Aurore.

Elle s'avançait d'une démarche posée, portant son regard sur tout ce qui l'entourait, détaillant avec soin mais sans jamais s'attarder trop longtemps. Par moments, elle me jetait un coup d'œil pour vérifier qu'elle allait dans la bonne direction.

Même moi, en cherchant à comprendre comment était organisé le Temps, je n'avais pas trouvé de réponse. Rien ne semblait "humainement" possible. Et je ne vivais pas depuis assez longtemps en tant qu'Infini pour me défaire de mes anciennes habitudes.

Cet endroit était aussi mystérieux à ma compréhension qu'à la sienne. Mais ma magie s'éveillait lors de ma présence dans ce lieu. Et je n'avais pas besoin de le comprendre pour me l'approprier. Il me suffisait de me laisser aller, de délier le nœud que je maintenais autours de mes pouvoirs, pour qu'ils m'incitent à me donner la direction à prendre.

Encore un peu vers l'avant, et nous serions bientôt arrivés.

Inutile de lui dire où nous allions, elle l'avait probablement déjà deviné.

Mais je devais recomposer mon armée. Je devais retrouver mes alliés. Se préparer à la bataille. Se préparer au combat. Voilà bien des années que je n'avais plus cette mentalité. Mais les habitudes ont la peau dure. Et j'avais beau avoir quitté cette vie, je me remettais bien trop vite à mon goût à repenser comme un chef de guerre.

Premièrement, s'armer. Aurore avait toujours été une grande amatrice des armes petites armes discrètes. Et je devais bien admettre que j'y étais moi-même très attaché. De petites dagues, des couteaux. Mais je portais quand même une épée à ma ceinture pour décourager les moins audacieux, alors qu'Aurore préférait passer pour une pauvre jeune femme en péril. Dans ce domaine, elle était bien mieux avantagée que moi.

Nous arrivions enfin à la sortie. Je lui fis signe et elle revint sur ses pas.

« Celui-là ? » demanda-t-elle, de plus en plus excitée à l'idée de traverser un portail.

« Oui. »

Elle n'attendit pas plus longtemps, et s'engouffra en lâchant un rire enfantin. Je la suivis à mon tour. Et un tourbillon plus tard, mes pieds retrouvèrent sensation avec le sol.

~~

Le décor avait changé. Nous n'étions plus dans la ville, mais dans ce qui ressemblait à une ferme abandonnée. Nous avions aussi quitté les Cieux pour revenir sur Terre. Aurore, d'une manière que je ne compris pas, avait aussi remarqué qu'elle ne se trouvait plus dans le même univers.

« Tu as vraiment des pouvoirs incroyables ! » me dit-elle, sans penser une seule seconde que je puisse me sentir encore plus coupable de ne pas avoir su les maîtriser à l'époque.

« De retour sur Terre. Eh bien, ça fait un bail dis donc ! Je ne me souviens même plus à quoi ça ressemble. C'est quand même plus sombre ici ! Oh, c'est vrai ! il n'y a qu'un seul soleil ! Je l'avais oublié ! »

Pendant qu'elle refaisait connaissance avec cette planète qu'elle avait quitté lorsque je l'avais secourue alors qu'elle était une petite fille, je m'avançai vers les portes de la grange qui menaçaient de s'écrouler au moindre coup de vent. Un cadenas en verrouillait l'accès. Ou du moins, c'était ce qu'il aurait fait quelques années auparavant.

D'un coup de pied, je brisai la serrure rouillée et poussai les lourdes portes dans un bruit de gonds assourdissant. Heureusement que nous étions les seuls dans le coin.

Aurore s'approcha de moi et murmura par-dessus mon épaule.

« Lugubre par ici... c'est vraiment la bonne adresse ?

- Pas meilleur endroit pour cacher des armes qu'une ferme désaffectée.

- On dirait plutôt qu'il va en sortir des fantômes. »

Elle déambula dans l'espace sentant le renfermé, cherchant du regard quelque chose qui pourrait lui servir, mais ne trouva rien.

« Toi et ton sens du mystère... ça te dérange tant que ça de partager ta vie ? »

Je levai les yeux au ciel.

« Arrête de te plaindre et regarde sous tes pieds » lui répondis-je d'une manière désinvolte tout en tirant une bâche qui se trouvait là.

Une trappe apparut au centre de la pièce. Aurore l'ouvrit sans hésiter, et descendit l'escalier en bois. Puis une lumière provint de la petite ouverture et sa voix s'échappa :

« Euh... tu ferais mieux de descendre rapidement, Kronos. »

PuissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant