Éternel Hiver : L'ombre de la Justice

III. Les chasseurs (partie 1)

Le chapitre avec Lira est maintenant le premier chapitre et plus le deuxième.

   Courir. Encore et toujours courir. Courir pour sauver sa peau. Courir et fuir la mort. Sa seule pensée était de courir.

   Elle galopait dans une forêt dense, aucune source de lumière ne réussissait à franchir la barrière de feuillages. Un morne rideau de brume ondulait, tel un serpent, sur le sol et dévorait ses frêles pattes. Une bruine ténue plaquait sa robe, dégoulinait sur ses narines, dilatées par la nervosité et creusait des sillons dans ses soies. Le rythme, hypnotique, de ses pas martelant la terre la poussait à continuer.

    Penchée vers l'avant, ses mains touchant presque la neige grisâtre, elle agrippait son œuf de toute ses forces. Lamya filait à toute allure, zigzagait entre les arbres et bondissait avec la légèreté d'une biche par-dessus les racines tortueuses. Son seul objectif ? Protéger son trésor.
Le souffle court, elle propulsait des jets de vapeurs dans l'air. Son cœur battait la chamade, la créature sentait l'odeur de charogne des Dévoreurs dans son dos. Le sang et la pourriture s'insinuait dans les moindres recoins, lui retournant l'estomac. Ils étaient sur ses talons ! La mère n'osait pas se retourner. La peur de les voir la rattraper se faisait trop grande. La peur de les voir s'emparer de son adoré la tenaillait. Elle ne voulait pas qu'ils rejoignent le Vide ! Pas maintenant !

   Il me restait tant de choses à faire, se désespéra-elle.

   Elle lâcha un grondement de fureur. Ils vont comprendre qu'elle n'était pas sans défense. Malgré ses faiblesses, malgré ses souffrances, elle se battrait jusqu'au bout. Lamya voulait vaincre et elle réussirait. Sa gueule entrouverte laissa de longs crochets se déplier. Ils dégoulinaient de venin et de bactéries, à tel point, que la mort faucherait ses victimes dès la première minute.

   Trois reptiles fins et musclés la poursuivaient depuis qu'elle avait récupéré son cher enfant. Ils ne se cachaient même pas. Vifs comme des anguilles, ils avalaient la distance qui les séparaient avec une rapidité sans égale. Une bave mousseuse glissait le long de leurs mâchoires. Un signe de fatigue ? Un signe de faim ? La créature n'en savait rien. Elle priait Sa Sainte-Mère que sa première hypothèse soit la bonne. En tout cas, elle, elle s'épuisait.

   Les Dévoreurs possédaient une armure d'écailles ainsi qu'un atout de taille. Une énorme griffe retractile, positionnée à la verticale, risquait de la transpercer à tout moment. Lamya, elle, n'avait que des poils, quelques plaques protectrices sur sa tête ainsi que sur sa gorge et ses crocs ridicules.

   Le désespoir commença à lui ronger le cœur. Peut être devrait-elle sacrifier son œuf ? Non. C'est elle qu'ils voulaient. De plus, Lamya mourait de faim, son estomac gargouillait continuellement. Leur laisser son enfant ne servirait à rien, la mère tomberait tôt ou tard. Cela ne serait qu'une perte inutile, la créature avait fait son choix. Elle le cacherait dès que possible. Avec un peu de chance, les siens le sauveraient.

   Maintenant qu'elle s'était fixé un but atteignable, Lamya reprit espoir. Elle aspira une grande goulée d'air, se redressa, une flamme brûlant dans son cœur. Une lueur résolue au fond de son sombre regard, la créature ressera son emprise sur la cause de tout ses problèmes qu'elle refusait de lâcher. Elle puisa alors dans ses dernières réserves d'énergie... et distança les Dévoreurs.

   Une vague de soulagement se déversa sur toutes ses craintes, les étouffant totalement. Elle allait rentrer, se reposer et rassurer ses petits. Lamya irait aussi s'excuser auprès de sa reine pour être partie ainsi, sans aucune aide. Elle reprendrait sa vie monotone avec plaisir, trop heureuse d'être vivante. Tout compte fait, la mère n'aurait pas à abandonner son oeuf.