Chapitre 2

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Cassiopée se retourna pour faire face à la personne qui venait d'entrer dans son bureau et ne put que sourire face à sa tenue. Parmi les nombreuses choses qu'ils avaient gardées de l'Ancien Temps se trouvait le wax, ce tissu africain coloré que désormais presque tout le monde revêtissait lors des grandes occasions. Et la femme qui se tenait à l'embrasure de la porte ne dérogeait pas à la règle.

Sa robe bustier parsemée de symboles jaune-orangé faisait non seulement ressortir la noirceur de sa peau mais aussi sa marque. Cette dernière partait de son cœur et tel un réseau veineux, chaque fil se dessinaient indépendamment des autres. Ce dédale de vaisseaux prenait fin sous sa mâchoire mais semblait faire partie intégrante de sa robe. Depuis que cette cicatrice était apparue, sa teinte n'avait pas varié une seule fois, toujours similaire à la couleur de peau de son défunt wagen, Taylor.

Bien qu'elle eut perdu une part d'elle en même temps que son frère, Cassiopée n'avait pas eu de trace physique de ce traumatisme, contrairement à Zeka. Était-ce une bonne chose ? Aujourd'hui encore, elle n'en avait pas la réponse.

— Cassiopée ?

Se reconcentrant sur le visage de Zeka, l'interpellée ne sut quoi dire, alors la nouvelle arrivante poursuivit :

— En tant que directrice de tes relations publiques et de ta communication, je te presserai pour que tu me suives car ils t'attendent depuis un moment, mais en tant qu'amie, je vais te laisser un peu de temps. Je repasserai tout à l'heure, d'accord ?

Cassiopée opina du chef pendant que la porte se refermait. Il y eut quelques secondes de flottement pendant lesquelles elle ne pensa à rien du tout. En réalité, penser à autre chose lui faisait oublier la terrifiante appréhension qui l'envahissait. Alors elle contourna son bureau pour regarder par l'immense baie vitrée.

La jeune femme aurait tout donné pour que Taylor et Selena voient ce qui se trouvait devant elle, qu'ils soient là pour partager la fierté d'avoir réussi. Réussi à se reconstruire et à aller de l'avant. Il leur avait fallu du temps mais tout s'était bien enchaîné. Les survivants de la Bataille de la Renaissance s'étaient mobilisés pour se procurer de l'eau potable, de l'électricité et de la nourriture. Naturellement, Aelyne l'Architecte ainsi que Marceli, une autre nilée dont les dessins prenaient vie, avaient été en charge du plan d'urbanisme du pays. D'autres nilées comme Ervelyne avaient participé et leur contribution avait engendré ce qu'elle voyait désormais tous les jours.

Toutes les maisons et bâtiments du pays formaient plusieurs cercles concentriques d'une géométrie si parfaite que c'en était à chaque fois époustouflant. Le centre de cette île et de ces cercles était à la fois le volcan du Mont Cameroun et le palais royal qui y trônait en son sommet. Les maisons se ressemblaient quelque peu : la même structure carrée aux fenêtres de la même forme. Toutes avaient été construites dans la pierre noire volcanique ayant subi des altérations de couleurs grâce à un nilée capable de capter la couleur et de la redistribuer. Ce paysage coloré lui faisait penser aux pays nordiques de l'Ancien Temps où les maisons alignées regorgeaient de gaieté.

Parmi les habitations, de grands immeubles en acier clair poussaient çà et là, comme celui en forme de cocon de l'hôpital ou les hélices du laboratoire génétique que dirigeait son père. Mais Cassiopée avait expressément demandé à avoir une vue sur un bâtiment en particulier, celui qu'elle avait d'abord défini comme un huit allongé. Aelyne et Marceli, les architectes en chef, l'avait plutôt décrit comme un infini : « pour ne jamais oublier ce que nous avons vécu » malgré tout, Cassiopée y voyait une autre signification : un huit comme les trois fois huit heures du taylorisme. C'était donc tout naturellement qu'elle l'avait nommé « l'école Rolyat » dont la devise était « se rappeler, ne pas oublier, ne pas reproduire ». Bien sûr, Valentin Coden avait accepté de diriger l'école sous quelques conditions de Cassiopée. Leur accord s'était déroulé dans ce même bureau où elle se tenait actuellement.

Nilées 2 : Naissance d'une hégémonieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant