— Eden ?
Pas de réponse.
— Eden ? Dis-je un peu plus fort.
Elle gisait à même le sol, ses cheveux formaient une auréole angélique autour de sa tête. Je n'avais jamais vu la mort d'un être humain jusqu'à présent. Je sentais la panique me prendre. Nous pouvions donc nous aussi mourir.
— Jonas ? Tout va bien ?
C'était Abel qui descendait les marches en bois, une torche à la main.
— Abel, je...
Il se tenait derrière moi. Quand Abel vit le corps sans vie d'Eden, il fit tomber sa torche au sol. Il y eu un bruit de verre brisé, et je plongeais dans les ténèbres.
Personne n'avait dormi. Ni Abel, ni Adam, ni Séphora et Damaris et bien sur pas moi. Nous étions assis autour de la table ou nous avions joyeusement mangé quelques heures plus tôt. Leurs yeux étaient posés sur mon visage, « Ils pensent que c'est moi ».
— Jonas, dit Abel d'une voix calme, pourquoi ?
— Pourquoi quoi ?
Abel passa sa main sur son visage en soupirant.
— Tu sais très bien de quoi je parle...Séphora pleurait en silence Damaris tentait de la réconforter, elles me regardaient comme si j'étais un monstre.
— Je n'ai pas fait ça Abel...
— Tu mens, dit Séphora, il ment c'est lui !
Je commençais à perdre patience.
— Écoute, reprit Abel, pas besoin de nous mentir, tu l'as tué. Tu es un danger pour nous Jonas, tu comprends...Abel m'exaspérait, si il eu fallu que je tue quelqu'un ça aurait été lui.
— ...et comme nous sommes en danger avec toi, nous devons nous mettre en sécurité.
Je ne l'écoutais plus, mes mains tremblaient, mon sang était plus chaud que le soleil à son zénith.
— Dis nous juste pourquoi tu as fais ça, et je serais clément avec toi.
Je ne l'écoutais plus.
Mes mains était rouges.
Un afflux de sang était monté jusqu'à mes doigts.
Mon corps voulait une seule chose.— Dis moi Jonas, pourquoi tu l'as tué ? Je serais clément avec toi.
Clement ? Il pense qu'il peut me faire du mal.
— Dis moi tout Jonas, je serais clément...
Je perdais possession de mon corps et sans m'en rendre compte je me levais d'un bond et je frappais son visage avec mon poing, une fois, deux fois, il hurlait de douleur et je criais de rage.
— C'EST MOI QUI SUIS CLEMENT AVEC TOI ICI, C'EST MOI, C'EST MOI, C'EST MOI.
Du sang.
Je pouvais le voir saigner.
Je sentais que je pouvais décider de sa vie et de sa mort.
Je pouvais voir de la peur dans ses yeux.
La peur de la mort.
Je le lâchais.— C'est moi qui déci...
J'étais exténué d'un seul coup. Mes sœurs étaient pétrifiées, Adam lui n'avait pas bougé, il était resté impassible.
Je m'assis sur la table en regardant Abel resté au sol.
— Tu a regardé le corps ? Lui dis-je
— Quoi ? Dit-il en essuyant le sang sur son visage
— Le corps, repris-je, il n'y pas pas d'hématomes, pas de sang...
— Et alors ? Dit Damaris
Je me retournais vers elle.
— Alors sans l'avoir frappé, poignardé ou étouffé je l'aurais tué comment ?
Il y eu un silence. Abel se releva.
— Va vérifier le corps Adam. Dit-il
Adam s'exécuta. C'était comme si mille heures s'étaient écoulées quand il revint.
— Alors, dit Abel, des blessures ?
Il fit non de la tête. Abel se tourna vers moi.
— Excuse moi mon frère. Dit-il en prenant dans ses bras.J'eus un sourire. Je ne savais pas comment Eden était morte, mais au moins la pierre rouge serait à moi. Nous partîmes dans la forêt pour l'enterrer. Je portais son corps avec Adam, nous avancions parmi les noisetiers et les cerisiers. C'était le printemps, les arbres étaient en fleurs, les oiseaux chantaient.
— Ici. Dit Séphora qui nous suivait.
Elle désignait un grand châtaignier verdoyant.L'enterrement fut bref, une fois le corps de notre sœur ensevelit au pied du châtaignier nous étions de retour dans la cabane. Abel voulait que nous reprenions une vie normale, il disait que nous devions nous montrer fort. Je crois que ce sont ces mots. Je ne l'écoutais pas vraiment.
Il ferait bientôt nuit, je ne pouvais pas aller couper du bois à cette heure.
Mais je pouvais fouiller la chambre de ma défunte sœur.